Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a confirmé hier ce que tous les économistes du pays prédisent depuis quelques semaines déjà : l'économie canadienne va se contracter en 2009 sur une base annuelle pour la première fois depuis le début des années 1990.

Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a confirmé hier ce que tous les économistes du pays prédisent depuis quelques semaines déjà : l'économie canadienne va se contracter en 2009 sur une base annuelle pour la première fois depuis le début des années 1990.

Le grand argentier du pays prévoit donc une récession pure et simple l'an prochain. Et il y va même d'un chiffre. Le produit intérieur brut (PIB) devrait se contracter d'au moins 0,4% en 2009, selon lui.

Résultat: le gouvernement fédéral affichera assurément un déficit durant le prochain exercice financier, le premier en 12 ans. L'ampleur de ce boulet financier dépendra des mesures visant à relancer l'économie que prendra le gouvernement Harper dans son budget qui sera déposé aux Communes le 27 janvier.

M. Flaherty a dressé ce portrait sombre de l'état de santé de l'économie canadienne au terme d'une rencontre de près de six heures avec ses homologues des provinces, qui avait lieu à Saskatoon, en Saskatchewan. Les ministres ont convenu de prendre les moyens d'accélérer les investissements dans les infrastructures pour créer de l'emploi en cette période de morosité.

Ce portrait contraste avec celui qu'a fait M. Flaherty dans son fameux énoncé économique le 27 novembre aux Communes dans lequel il prévoyait une faible croissance de 0,5% de l'économie canadienne en 2009.

«Il y aura un déficit, () malgré ce qu'on avait dit dans la mise à jour économique. Il faut regarder les tendances à la baisse des PIB dans le monde», a lancé hier M. Flaherty durant un point de presse.

«Le portrait économique continue à se détériorer», a ajouté le ministre, soulignant que les prévisions des économistes du secteur privé vont de mal en pis de mois en mois.

Le ministre a soutenu qu'il doit revoir à la baisse ses prévisions de novembre, jugées invraisemblables par les partis de l'opposition aux Communes, à cause de la détérioration rapide de l'économie mondiale. Selon les évaluations du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, l'économie de la planète est entrée dans une récession. La situation risque de s'aggraver davantage à cause de l'écroulement du marché immobilier aux États-Unis et de la chute vertigineuse des prix des matières premières.

Si le gouvernement fédéral renoue avec l'encre rouge, il y a de fortes chances que la plupart des provinces vont également devoir composer à nouveau avec des déficits. Déjà, le gouvernement ontarien a revu à la baisse ses projections il y a quelques semaines en indiquant qu'il prévoit maintenant un déficit de 500 millions de dollars durant le présent exercice financier. Pis encore, l'Ontario touchera des paiements de péréquation 300 millions de dollars pour la première fois de son histoire l'an prochain.

Et le prochain exercice financier pour la province la plus populeuse pourrait être plus périlleux encore compte tenu que les trois grands constructeurs automobiles nordaméricains ayant des usines en Ontario réclament une aide financière immédiate de quelque 6 milliards de dollars. Vendredi dernier, le gouvernement Harper et celui de l'Ontario se sont entendus pour aligner près de 3,5 milliards de dollars pour soutenir cette importante industrie.

Et même si le premier ministre du Québec, Jean Charest, répète inlassablement que le Québec est en bonne position pour éviter le pire, son gouvernement pourra difficilement lui aussi éviter un déficit l'an prochain. «Tout le monde est dans le même bateau. Le Québec ne pourra pas éviter un déficit», a t-on fait valoir hier à Ottawa.

Autre signe que l'économie canadienne est en pleine décélération, l'Alberta, province la plus riche du pays, qui a remboursé toute sa dette accumulée, prévoit elle aussi enregistrer un déficit au cours du prochain exercice financier pour la première fois en 15 ans.

Le gouvernement conservateur du premier ministre Ed Stelmach a laissé tomber cette bombe hier. Le ministre des Finances de la province, Iris Evan, a indiqué que cela est attribuable en bonne partie à la chute du prix du baril de pétrole, qui est passé de quelque 150$US à 39,88$US hier, un prix jamais vu depuis le 21 juillet 2004. Le prix a diminué hier malgré la décision sans précédent des pays membres de l'OPEP de réduire la production de 2,2 millions de barils par jour.

L'Alberta a réussi à mettre de côté 7,7 milliards de dollars durant les années de vaches grasses. Mais la province devra piger dans cette réserve pour éviter le déficit l'an prochain.

Le gouvernement albertain voit déjà les pétrodollars lui glisser entre les mains. Au printemps, il prévoyait un surplus de 8,5 milliards de dollars durant le présent exercice financier qui prend fin le 31 mars quand le prix du baril de pétrole était à son apogée. Mais il a revu cet excédent à la baisse à seulement deux milliards de dollars à la suite de la dégringolade des marchés financiers. Cette chute soudaine des prix de l'or noir a aussi conduit plusieurs sociétés à retarder ou à carrément annuler jusqu'ici des investissements de près de 45 milliards qui étaient prévus au cours des prochaines années.

Le Québec pourrait être éventuellement touché par cette brusque détérioration de l'économie albertaine. Le Québec a touché en 2008-2009 quelque 8,28 milliards de dollars en paiements de péréquation. Les paiements de péréquation sont déterminés au moyen d'une norme de l'assiette fiscale des 10 provinces.

Jusqu'ici, la croissance fulgurante de l'économie albertaine avait contribué à augmenter les paiements de péréquation versés à certaines provinces. Mais le calcul pourrait être ramené à la baisse à cause de la nouvelle donne en Alberta. Toutefois, les effets de ce nouveau calcul risquent de se faire sentir plus tard puisque la formule actuelle s'appuie sur une moyenne pondérée mobile de trois ans de la capacité fiscale des provinces, décalée de deux ans, pour éviter les variations soudaines des paiements versés aux provinces.