Que diriez-vous d'une petite fin de semaine dans une coquette maison sur le bord du lac Memphrémagog, qui vaut autour d'un million de dollars et qui a été payée avec de l'argent des investisseurs de Norbourg détourné par Vincent Lacroix?

Que diriez-vous d'une petite fin de semaine dans une coquette maison sur le bord du lac Memphrémagog, qui vaut autour d'un million de dollars et qui a été payée avec de l'argent des investisseurs de Norbourg détourné par Vincent Lacroix?

Vous le pouvez, c'est parfaitement légal.

La maison de campagne de la famille de Vincent Lacroix vient d'être offerte sur internet en location par une annonce prise au nom de Centum-Crédit, une firme de courtage hypothécaire qui emploie trois agents immobiliers et où travaillent Donald Lacroix, père de l'ex-président de Norbourg, ainsi qu'une soeur de Vincent Lacroix, qui était son adjointe administrative chez Norbourg.

La maison fait partie du patrimoine que le syndic Gilles Robillard, de RSM-Richter, tente de récupérer depuis mars 2006.

Le syndic poursuit Vincent Lacroix et sa femme, Sylvie Giguère, pour 1,7 million de dollars pour le «chalet» de Magog, la maison des Lacroix à Candiac, ainsi qu'une troisième maison, à Magog, où habite le père de Vincent Lacroix, Donald. Les trois maisons sont au nom de Sylvie Giguère.

Jusqu'à sa condamnation à 12 ans de prison par un juge de la Cour du Québec, le mois dernier, M. Lacroix habitait encore la maison familiale de Candiac, et avait encore plein accès à la jolie maison du 328, avenue de la Chapelle, dans le canton de Magog, au bord de l'eau. Les deux autres maisons sont encore habitées par les Lacroix.

Jeudi, Donald Lacroix a dit à La Presse que la maison à louer avait été achetée par Vincent Lacroix et mise au nom de sa femme, et ce en 2000, donc avant les événements pour lesquels son fils est en prison.

Or, en réalité, le «chalet» a été acquis le 25 avril 2003 par Vincent Lacroix durant ses belles années à la tête de Norbourg. Il a payé 800 000$ comptant. Deux enquêtes juricomptables indépendantes ont retracé la provenance de l'argent qui a servi à payer le chalet du lac Memphrémagog et les deux autres maisons.

L'argent a été siphonné par M. Lacroix dans les fonds communs Norbourg, ont conclu le syndic Gilles Robillard ainsi que l'Autorité des marchés financiers.

Jeudi, M. Robillard s'est déclaré «surpris» que les Lacroix louent la maison sur le bord de l'eau, mais il a indiqué que «la maison appartient à son épouse jusqu'à ce qu'un juge dise le contraire en cour».

Des ordonnances de cour interdisent aux Lacroix de louer les propriétés via un bail, mais cela ne couvre pas les locations à court terme, a dit le syndic après consultation avec ses services juridiques.

Dans sa poursuite, intentée en mars 2006, le syndic a documenté le chemin pris par l'argent détourné à partir des fonds gérés par Norbourg Gestion d'Actifs inc. «Tous les fonds de NGA qui ont servi à l'acquisition de la propriété de Magog proviennent du «compte fantôme», ou secret, détenu par NGA», peut-on lire dans la poursuite.

Durant le procès pénal qui s'est récemment soldé par l'emprisonnement de M. Lacroix, l'AMF a documenté dollar par dollar les transferts de l'argent qui est passé des Fonds Norbourg à un compte fantôme à la Caisse populaire de Laprairie, puis au compte conjoint du couple, puis enfin vers le compte en fidéicommis du notaire, par deux chèques de 65 000$ et un autre de 735 000$.

«Je sais que cette location peut paraître choquante pour les investisseurs, mais en fin de compte, ce qui m'intéresse, comme syndic, c'est les 1,7 million de dollars qui sont rattachés à ce patrimoine, et que je veux ramener pour les créanciers"»(qui sont essentiellement les investisseurs de Norbourg), a dit M. Robillard.

«Un syndic de faillite n'est pas payé pour être sentimental. Je suis payé pour voir au meilleur intérêt financier des créanciers. On a un système de justice, qui n'est pas vite, mais qui marche et on vit avec.»

Donald Lacroix, lui, dit comprendre que son offre fasse sourciller, à cause de la controverse. «Mais c'est légal et on ne se cache pas, on fait ça ouvertement, on l'annonce publiquement.»