On a tous déjà eu un voisin de bureau qui toussait à s'en cracher les entrailles. Ou un collègue, dépressif inavoué, qui ne pouvait plus supporter la clientèle et pleurait en cachette de temps en temps dans les toilettes.

On a tous déjà eu un voisin de bureau qui toussait à s'en cracher les entrailles. Ou un collègue, dépressif inavoué, qui ne pouvait plus supporter la clientèle et pleurait en cachette de temps en temps dans les toilettes.

Peut-être auraient-ils mieux fait de rester à la maison mais, pour diverses raisons, ils ont choisi de venir travailler malades. Selon une étude réalisée en 2006 dans une société parapublique, les travailleurs québécois font du «présentéisme» environ neuf jours par année. C'est-à-dire qu'ils se présentent au travail alors que leur état de santé physique ou psychologique justifierait qu'ils s'absentent.

«On ne doit surtout pas confondre ce phénomène avec celui des employés qui viennent au bureau mais perdent leur temps à naviguer sur Internet parce qu'ils manquent de motivation. Ce n'est pas cela, le présentéisme!» dit Éric Gosselin, professeur de psychologie du travail et des organisations à Université du Québec en Outaouais.

Le présentéisme occasionnel ou à long terme devrait préoccuper les entreprises, croit le professeur. Il nuit à la productivité. Selon des chercheurs américains, il coûterait entre 150 et 180 milliards annuellement en perte de productivité aux États-Unis.

Certains employeurs diront qu'ils préfèrent encore un employé présent productif à 80% que celui qui reste à la maison, mais il faut voir un peu plus loin que cela!

Les scientifiques se penchent actuellement sur une hypothèse: le présentéisme pourrait bien être un symptôme annonciateur d'un absentéisme de plus longue durée! Hypothèse qui reste à confirmer, mais qui semble logique à Éric Gosselin.

«Si vous avez la grippe et que le fait d'être au travail empire la situation, peut-être aurait-il mieux valu prendre une journée de congé que d'être absent pendant une semaine parce que la grippe a dégénéré en pneumonie», dit-il.

Et parmi les causes potentielles de présentéisme, la plus coûteuse pour les entreprises serait les problèmes dépressifs. À cause de la stigmatisation liée aux problèmes de santé psychologique, il y aurait deux fois plus de présentéisme chez les travailleurs ayant des symptômes dépressifs que chez les autres.

«Des travailleurs préfèrent se présenter au travail parce qu'ils ne veulent pas indiquer à leurs supérieurs qu'ils ont un problème de santé psychologique», indique Éric Gosselin.

Les origines

Les causes du présentéisme sont nombreuses. Elles peuvent être personnelles ou liées à l'entreprise. On s'en doute, les employés satisfaits de leur travail et très engagés envers celui-ci ont plus tendance à venir travailler même s'ils sont malades que ceux qui détestent leur emploi!

De plus, le fait d'avoir des enfants ou non, la situation financière et le sexe ont une influence. Les femmes seraient davantage portées à se présenter au travail même si elles sont malades, selon les études.

Éric Gosselin l'a d'ailleurs constaté dans le cadre d'un projet de recherche auprès d'enseignants du primaire et du secondaire.

«Ces professeurs sont en majorité des femmes, et elles travaillent dans un milieu où les microbes pullulent, dit-il. La plupart d'entre elles vont quand même travailler si elles sont malades, car elles gardent leurs congés de maladie pour s'occuper de leurs enfants quand eux sont malades.»

Au moment de décider si l'on reste à la maison ou si on se traîne au bureau, des facteurs liés à l'entreprise entrent aussi en ligne de compte. Le secteur d'activité de l'employé influe sur sa décision, de même que la possibilité d'être remplacé ou non par quelqu'un d'autre. L'insécurité d'emploi, la charge de travail et le pouvoir sur son environnement de travail pèsent aussi dans la balance.

Les relations avec les collègues aussi. «Si vous avez de bonnes relations avec vos collègues et que la cohésion du groupe est importante, vous hésiterez à vous absenter en sachant que ce sont eux qui vont faire le travail à votre place», dit M. Gosselin.

La culture d'entreprise

La culture organisationnelle a un poids important sur le présentéisme. «Depuis des années, l'absentéisme est un problème important, et on a mis en place beaucoup de programmes pour le contrer», dit Éric Gosselin.

On instaure des mesures disciplinaires pour les absents chroniques, mais on a aussi des récompenses pour ceux qui sont assidus au travail. Ces programmes pourraient avoir certains effets pervers.

«Il se peut qu'en faisant cela, on invite les gens à se présenter lorsqu'ils sont malades. Or, ce n'est pas parce qu'on est présent qu'on est productif. Cela peut avoir un impact négatif pour l'entreprise. Il faut que les organisations réalisent que, parfois, il est préférable de ne pas être au travail», conclut le chercheur.