Il y a des moments où l'on est tellement absorbé et concentré sur ce que l'on fait qu'on en oublie le temps qui passe. Cet état de grâce, que les psychologues ont baptisé le flow, n'est pas accessible uniquement en jouant au golf ou en peignant un tableau. Il peut aussi se vivre au travail.

Il y a des moments où l'on est tellement absorbé et concentré sur ce que l'on fait qu'on en oublie le temps qui passe. Cet état de grâce, que les psychologues ont baptisé le flow, n'est pas accessible uniquement en jouant au golf ou en peignant un tableau. Il peut aussi se vivre au travail.

Étudié pour la première fois dans les années 1970, le concept du flow se faufile tranquillement dans les pratiques de gestion. En témoigne Jacques Forest, professeur au département organisation et ressources humaines de l'École des sciences de la gestion de l'UQAM.

Ce psychologue organisationnel s'est donné comme objectif de faire connaître le flow aux gestionnaires d'ici, qui ne demandent pas mieux, pour garder leurs employés, que de leur donner les moyens d'avoir un meilleur état psychologique au travail.

«Même si ce n'est pas encore prouvé scientifiquement que le flow a un impact sur la performance en milieu de travail, il a d'autres conséquences positives: moins de détresse, plus d'énergie et plus de bien-être", dit Jacques Forest.

Or, la santé mentale au travail préoccupe de plus en plus les gestionnaires. Selon des études, plus d'un travailleur sur trois estime avoir un stress élevé au quotidien. Et 75% des cas d'invalidité sont liés aux problèmes de santé mentale. Au Canada, on estime leur coût à 14 milliards annuellement.

Qu'est-ce que le flow?

Encore faut-il comprendre ce qu'est le flow. Cette expression, qui n'a pas d'équivalent en français, désigne un état psychologique optimal impliquant concentration, absorption et plaisir.

Le psychologue hongrois Mihaly Csikszentmihalyi, qui a inventé le terme, s'est inspiré des sportifs et des artistes qu'il a interviewés.

Quand ceux-ci décrivent l'état où ils se trouvent en faisant ces activités, ils disent que tout semble «couler», ou, en anglais «it flows».

Pour que le flow se manifeste, il faut un équilibre entre le degré de difficulté d'une tâche et les compétences d'un individu. Une personne très compétente qui accomplit une tâche trop facile avec de faibles défis sera rapidement ennuyée et fatiguée. À l'inverse, un défi trop élevé entraînera du stress et de l'anxiété.

Le travailleur à qui on lance des défis à la hauteur de ses compétences est plus susceptible de vivre des moments de flow.

Êtes-vous harmonieux ou compulsif?

Évidemment, pour expérimenter des épisodes de flow, il faut aimer son travail. Mais pas au point d'en faire une obsession. Idéalement, on devrait cultiver ce que Jacques Forest appelle une «passion harmonieuse» envers son travail ou ses autres activités.

«Quand on parle de passion harmonieuse, c'est une vive inclination envers une activité que l'on aime, qui est importante pour soi et à laquelle on accorde du temps et de l'énergie de façon significative», explique Jacques Forest.

Quand la passion est harmonieuse, l'activité est valorisée, mais sans excès. On choisit de s'y investir, mais cela ne prend pas toute la place dans sa vie. Vivre une passion harmonieuse permet de satisfaire trois besoins fondamentaux pour bien fonctionner: l'autonomie, la compétence et l'affiliation sociale.

À l'inverse, les gens qui font preuve de passion obsessive pour leur travail seront peut-être performants, mais ils ne vivront pas le flow. «C'est une pression interne qui pousse la personne à pratiquer son activité, dit le psychologue. La personne en vient à se définir exclusivement par cette activité. Les gens qui ont une passion obsessive n'ont pas l'interrupteur qui leur dit que c'est le temps de s'arrêter.»

Les obsessifs se sentent prisonniers de leur travail et ne sont jamais aussi bons qu'ils le voudraient. Ils sont tellement consumés qu'ils ne prennent pas l'énergie nécessaire pour s'investir dans des relations positives avec leurs collègues.

Favoriser la passion

Bonne nouvelle: en modifiant leur style de gestion, les patrons peuvent favoriser la passion harmonieuse des employés.

Pour ce faire, ils doivent mettre au point des méthodes qui soutiennent l'autonomie et encouragent l'initiative. «Cela ne veut pas dire de lâcher les employés dans la nature, dit Jacques Forest. Cela signifie fournir un cadre et une explication logique pour les règles et les limites que l'on impose.»

Être empathique

À l'autre extrême, le gestionnaire autoritaire dit exactement quoi faire, quand le faire et comment le faire, sans donner d'explications. Il exige l'obéissance et rejette les sentiments des employés en imposant une façon de penser.