Pour une deuxième fois d'affilée, la Banque du Canada paraît disposée à assouplir demain sa politique monétaire pour favoriser le retour à la normale des conditions de crédit.

Pour une deuxième fois d'affilée, la Banque du Canada paraît disposée à assouplir demain sa politique monétaire pour favoriser le retour à la normale des conditions de crédit.

Les économistes des institutions financières n'ont aucun doute sur la question: les 18 consultés par l'agence Bloomberg prédisent tous une détente de 25 centièmes du taux directeur qui, de l'avis de la majorité, ne sera pas la dernière de surcroît.

Ce sera en tout cas la dernière décidée par le gouverneur David Dodge, qui complète son mandat de sept ans le 31 janvier. Son successeur, Mark Carney, héritera d'un beau défi pour rétablir la confiance sur les marchés.

Cet ancien sous-ministre qui a aussi fait carrière chez Goldman Sachs les connaît bien.

On raconte en coulisse qu'il n'a pas hésité à tordre quelques bras pour favoriser le dénouement heureux, le 23 décembre, de la crise canadienne du papier commercial adossé à des actifs (PCAA) émis par des institutions non bancaires.

Dans une entrevue accordée à La Presse Affaires la semaine dernière, M. Dodge avait en outre déclaré que le rétablissement de la confiance sur les marchés financiers allait exiger plus de temps que ce à quoi les autorités monétaires s'attendaient à l'automne.

La Banque sera d'autant plus disposée à alléger encore son taux directeur de 25 centièmes pour le fixer à 4,0% que les perspectives économiques au sud de la frontière se sont très assombries depuis le 4 décembre.

L'institution avait alors quelque peu surpris les experts quand elle avait abaissé pour la première fois en trois ans et demi le taux cible de financement à un jour.

La majorité s'attendait plutôt à ce qu'elle demeure en touche.

Il est certain que le passage à vide de l'économie américaine aura ses répercussions sur le Canada, en particulier pour ses exportateurs, mais les risques de récession de ce côté-ci de la frontière paraissent moins élevés.

Les conditions de crédit ne sont néanmoins pas revenues aux beaux jours de l'été avant que n'éclate la crise actuelle, à la mi-août.

Cela force depuis les banques à déclarer de lourdes pertes reliées au marché hypothécaire américain, et à revenir à un modèle d'affaires qui durcit quelque peu les conditions de crédit.

Les meilleurs clients particuliers et corporatifs des institutions financières doivent payer davantage pour emprunter car les banques doivent débourser davantage pour se financer.

Les investisseurs sont échaudés. Cela ralentit forcément l'expansion de l'économie.

Les banques à charte avaient hésité quelques heures le 4 décembre à ajuster leur taux préférentiel après que la banque centrale eut abaissé son taux directeur.

Depuis 1997, le taux préférentiel évolue en parallèle avec le taux directeur, en maintenant un écart de 175 points centésimaux. Il devrait donc être ramené à 5,75% mardi.

Certains ont émis l'avis la semaine dernière qu'elles pourraient ne pas emboîter le pas cette fois-ci. L'écart entre le taux qu'elles ont payé pour emprunter (en émettant des acceptations bancaires) et celui qu'elles devraient exiger de leurs meilleurs clients serait réduit. Leurs marges bénéficiaires déjà esquintées souffriraient davantage.

Depuis le 4 décembre cependant, les banquiers centraux ne sont pas restés les bras croisés. Le 12, plusieurs banques centrales, dont celle du Canada, ont conclu un accord pour injecter des sommes colossales dans le système financier afin de rétablir ses liquidités.

«Le stress est moins important cette fois-ci, juge Clément Gignac, économiste en chef à la Financière Banque Nationale. La probabilité est assez élevée que les banques emboîtent le pas à la Banque du Canada et abaissent le taux préférentiel.»

«Les banques pourraient suivre parce que les marchés s'attendent à ce que la Réserve fédérale baisse ses taux de manière très énergique», renchérit Douglas Porter, économiste en chef adjoint chez BMO Marchés des capitaux.

Évidemment, on s'attend à ce que notre banque centrale lui emboîte le pas quelque peu, ce qui allégera les tensions sur les marchés canadiens interbancaire et obligataire.

«J'ai beaucoup de mal à voir pourquoi elles ne suivraient pas la Banque centrale, estime pour sa part Martin Lefebvre, économiste senior chez Desjardins. Reste à savoir quel message les autorités monétaires vont livrer en annonçant leur décision.»

Jeudi, deux jours après la baisse attendue, la Banque publiera son Rapport sur la politique monétaire. Il s'agit d'une analyse exhaustive des conjonctures mondiale, américaine et canadienne, accompagnée d'un scénario sur l'évolution de la croissance et de l'inflation.