Avec les sautes d'humeur de Dame Nature et le vieillissement des infrastructures routières et souterraines, cette question mobilise les responsables de la sécurité civile ces jours-ci. Les cadres des organisations? Pas évident.

Avec les sautes d'humeur de Dame Nature et le vieillissement des infrastructures routières et souterraines, cette question mobilise les responsables de la sécurité civile ces jours-ci. Les cadres des organisations? Pas évident.

On a beaucoup écrit sur l'évacuation des écoles Et si, à la place, c'était une vaste zone industrielle de la métropole qui se retrouvait prisonnière des eaux dans quelques semaines?

Comment viendrait le signal d'évacuation puis de retour au travail? Qui s'occuperait des dossiers et des machines qui flottent dans la boue? Comment les communications avec les fournisseurs seraient maintenues?

Selon Serge Barbeau, ancien directeur de la Sureté du Québec et chargé de cours en mesures d'urgence et gestion de crise à l'Université de Montréal, les grandes entreprises et toutes les organisations qui exportent aux États-Unis ont déjà un plan de match.

Plan de mesures d'urgence

«En vertu des lois américaines, les filiales de multinationales américaines, tous leurs fournisseurs et tout exportateur vers ce pays doit obligatoirement avoir un plan de mesures d'urgence, un plan de pandémie grippale et un plan en cas d'attaque terroriste pour obtenir des contrats ou y faire des affaires», explique-t-il.

Dans les entreprises québécoises qui font affaire localement ou sur d'autres marchés, la situation est moins reluisante.

«Le niveau de préparation est assez faible. Elles ont un plan d'évacuation minimal indiqué par des sorties.»

«Si les pompiers ne l'exigent pas, elles ne font pas nécessairement d'exercices de feu. Beaucoup n'ont pas de plan de communication interne«, observe M. Barbeau, qui est également associé principal chez Chartrand, Fortin, Labelle Solutions, une firme spécialisée en sécurité corporative.

En comparaison, la préparation des entreprises américaines est beaucoup plus avancée.

«Les États-Unis sont constamment confrontés à des catastrophes naturelles comme des tornades, des ouragans et des inondations. Cette réalité explique en partie la force de leur culture de prévention», dit-il.

«Bien que les autorités chargées de la sécurité publique au Québec, comme les policiers et les pompiers, n'aient rien à envier à leurs collègues américains en matière de connaissances et de compétences, je dois reconnaître qu'ils sont plus avancés au chapitre de la communication auprès du grand public et des entreprises», ajoute-t-il

Des visites sur les pages d'accueil des sites internet du Vermont Management Emergency (VME) et de la Sécurité civile du Québec en font la démonstration éclatante.

Un guide pratique

Vous n'êtes pas prêts? En téléchargeant le Business Disaster Preparedness Workbook du VME, vous trouverez les conseils pratiques et les outils pour mettre au point un plan d'urgence efficace rapidement.

Sur celui de la Sécurité civile du Québec, vous trouverez des liens entre la mission, les principes et autres sujets intéressants mais totalement inutiles en cas de crise.

Sur une page du site de Sécurité publique Canada, vous pourrez toutefois consulter un Guide de planification de la continuité des activités (en français), qui explique les étapes à suivre et les gestes à poser mais qui demeure moins concret que le Workbook du Vermont.

«Il reste encore beaucoup de sensibilisation à faire dans les entreprises. Un plan de mesures d'urgence n'est pas une dépense. C'est un investissement qui sauve des vies, la propriété, des documents confidentiels, des livres comptables, etc.», insiste M. Barbeau.

Quel plan? Selon ce spécialiste, l'élément crucial est la mise en place d'une structure et de moyens de communication auprès des personnes concernées par les activités de l'entreprise. Ces informations doivent être émises selon un flux régulier, connu de tous.

«Les organisations ne peuvent pas se fier aux médias pour savoir ce qui se passe dans une usine. Si on vous envoie chez vous, vous devez savoir par quel moyen votre entreprise vous informera si vous revenez ou pas sur vos lieux de travail habituel», insiste-t-il.

Chaînon manquant

Les entreprises n'aiment pas faire de la publicité sur leur plan d'urgence, et surtout pas sur son absence. C'est donc à la condition que son anonymat soit préservé qu'un dirigeant local de multinational nous a livré ses observations.

«Nous avons trois plans d'urgence, allant du plus détaillé au plus simple. Ce dernier prévoit que dans toute situation d'urgence, une équipe de trois personnes - le dirigeant, un professionnel en ressources humaines, un avocat - soit en contact dans un court délai pour décider et mettre en action la réaction», explique-t-il.

Selon ce gestionnaire, cette équipe peut réagir rapidement parce que les lignes directrices sont claires. Dans leur cas, la sécurité des employés vient en premier.

Des organisations ont par ailleurs constaté, l'été dernier, que les meilleurs plans institutionnels peuvent se heurter à des obstacles insoupçonnés.

Ainsi, lors de l'effondrement d'une dalle de béton au centre-ville de Montréal, le responsable des communications d'une entreprise située dans le périmètre évacué a attendu en vain des directives de sa direction pour aviser le personnel de la marche à suivre le lundi matin.

Explication? «Les dirigeants des immeubles situés dans ce périmètre ont été incapables, pendant toute la fin de semaine, d'obtenir de l'information des autorités municipales», rapporte le conjoint d'une chef d'entreprise.