Même s'il s'inquiète des conséquences de l'inflation alimentaire, le gouvernement américain hésite avant de placer les biocarburants au banc des accusés.

Même s'il s'inquiète des conséquences de l'inflation alimentaire, le gouvernement américain hésite avant de placer les biocarburants au banc des accusés.

Selon Washington, les biocarburants ne sont pas une cause majeure de l'inflation alimentaire qui préoccupe tant la communauté internationale. Les États-Unis estiment que les biocarburants sont responsables de seulement 10% de l'inflation alimentaire à l'échelle mondiale.

La production d'éthanol à base de maïs aux États-Unis, principalement en Iowa, ne représenterait que 3% de l'inflation alimentaire.

«Nous reconnaissons qu'il y a un lien entre les biocarburants et l'inflation alimentaire, mais les biocarburants ne sont pas l'une des causes principales de l'inflation alimentaire» a dit Daniel Sullivan, secrétaire adjoint du Bureau américain des affaires économiques, énergétiques et d'entreprise, hier à Montréal dans le cadre du 14e Forum économique international des Amériques.

Inflation alimentaire ou pas, le gouvernement américain continuera de produire des biocarburants - une solution de rechange crédible à l'énergie pétrolière, estime-t-il. «Les biocarburants doivent faire partie d'une politique énergétique qui est diversifiée et qui permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre», dit M. Sullivan.

Les Américains concentrent toutefois leurs recherches sur les biocarburants de deuxième génération, qui ne sont pas produits à partir d'aliments comme le maïs. «C'est simple: chaque dollar dépensé par les États-Unis en recherche et développement va aux biocarburants de deuxième génération», dit M. Sullivan.

En continuant de soutenir leur industrie des biocarburants, les États-Unis font ainsi la sourde oreille aux suggestions du secrétaire de l'Organisation des États américains (OEA), Jose Miguel Insulza, qui leur propose de laisser la production de biocarburants aux pays de l'Amérique du Sud.

«Les pays d'Amérique du Nord ne disposent pas d'aussi bonnes conditions pour produire de l'éthanol», dit-il.

Selon l'OEA, l'éthanol américain à base de maïs contribue à la mauvaise réputation des biocarburants. «Il y a un an, les biocarburants étaient considérés comme une solution au problème énergétique. Maintenant, ils sont considérés comme une cause de l'inflation alimentaire. Peut-être que tous les biocarburants ne sont pas mauvais. Peut-être que ceux qui sont faits à base de maïs le sont, mais peut-être pas les autres», dit M. Insulza.

«Il y a eu un changement de perception intéressant depuis un an sur les biocarburants, admet M. Sullivan. Comme d'habitude, la vérité se situe probablement quelque part dans le milieu...»

L'inflation alimentaire, un problème à long terme

Si les différents conférenciers du 14e Forum économique international des Amériques ne s'entendent pas sur le rôle exact des biocarburants dans la crise alimentaire actuelle, ils sont tous d'avis que celle-ci ne fait que commencer.

«Nous sommes tous d'accord que ce phénomène ne disparaîtra pas de sitôt. La demande pour la nourriture augmente, notamment en provenance de la Chine», dit José Miguel Insulza, secrétaire général de l'OEA.

Même son de cloche du côté du gouvernement américain, qui estime fournir la moitié de l'aide alimentaire internationale. «Nous nous doutons que pour bien des gens, la crise alimentaire fait la différence entre manger un repas par jour et ne rien manger du tout», dit Daniel Sullivan.

Aussi éprouvante soit-elle présentement pour les habitants des pays en voie de développement, l'inflation alimentaire pourrait toutefois avoir des effets bénéfiques à long terme. Elle pourrait réussir là où des centaines de séances de négociations ont échoué: abolir les barrières commerciales et les subventions agricoles des pays développés.

«Beaucoup de pays peuvent et vont produire plus de nourriture, pour autant qu'on réduise les subventions agricoles dans les pays développés», dit José Miguel Insulza, secrétaire général de l'OEA

«Nous entrons dans une nouvelle ère en matière de commerce international. Même des pays très protectionnistes comme le Japon commencent à penser abolir des barrières commerciales. L'inflation alimentaire pourrait mener à plus de libéralisme économique», dit Andrew Ferrier, un Montréalais d'origine qui dirige le Groupe Fonterra, une coopérative laitière néo-zélandaise qui exporte 85% de sa production.