Fort attendu, le témoignage du président de la Caisse de dépôt, Henri-Paul Rousseau, devant la commission des finances publiques risque de passer sous silence.

Fort attendu, le témoignage du président de la Caisse de dépôt, Henri-Paul Rousseau, devant la commission des finances publiques risque de passer sous silence.

Après plusieurs jours de controverse autour de la valeur des 14 milliards de dollars de papiers commerciaux détenus par la Caisse, le gouvernement a décidé de reporter tard en soirée le témoignage de M. Rousseau.

Son témoignage débutera à 20h mercredi prochain, pour se poursuivre potentiellement jusqu'à minuit, bien au-delà des heures de tombées de la plupart des journaux et des bulletins d'informations télévisées.

«On trouve ça un peu curieux», a souligné jeudi le critique de l'ADQ aux Finances, Gilles Taillon. À la commission, on a expliqué cette heure tardive par la difficulté de trouver une plage de quatre heures consécutives.

On aurait pu facilement débuter en matinée pour poursuivre en après-midi, a souligné M. Taillon.

Des sources au sein du gouvernement expliquent par ailleurs que M. Rousseau est bien déterminé à ne rien divulguer des pertes appréhendées par la Caisse à cause de la dévaluation de ces titres à la fin de l'été.

La Caisse tente actuellement de repousser les échéances sur ces titres à 30 et 90 jours, ce qui lui permettrait de réduire ses pertes dans le rapport de ses activités au 31 décembre.

On brandit une étude de la Dominion Bond Rating Service, qui soutient que 97% des transactions visées concernent des produits qui obtiennent une cote AAA.

Or la Banque Nationale, profondément engagée dans ce type de produits, vient d'admettre que ses pertes pourraient atteindre 25% de ses investissements. Pour la Caisse, sur 14 milliards de papiers commerciaux, il s'agirait de plus de 3 milliards.

Plus tôt jeudi, Mario Dumont et Gilles Taillon avaient soulevé cette question de la transparence de la Caisse à l'Assemblée nationale. M. Dumont a relevé qu'en campagne électorale, le printemps dernier, Jean Charest avait rapidement récupéré à son compte les bons rendements de la Caisse.

Maintenant que les perspectives sont plus sombres, le président de la Caisse, M. Rousseau, est laissé à lui-même.

Jean Charest a toutefois tenu à justifier la décision de la Caisse de ne pas faire publiquement le bilan de cette opération - au moment où les banques, dont la Banque Nationale, viennent de radier leurs pertes dans les papiers commerciaux.

Citant Purdy Crawford, le président du comité pancanadien qui négocie actuellement une solution avec les acheteurs privés de ces papiers commerciaux, M. Charest a expliqué que la décision de ne pas divulguer les pertes potentielles est «délibérée et mûrement réfléchie», et vise à faciliter la restructuration, en empêchant les spéculateurs de profiter de la situation.

Selon Mario Dumont, il est difficile d'expliquer pourquoi la Caisse a acheté en masse de ces papiers commerciaux même quand leur valeur piquait du nez à compter d'août dernier.

Du même souffle la Caisse a encouragé d'autres caisses de retraite publiques à s'engager dans cette voie. Elle est d'ailleurs l'actionnaire principal de Coventry «qui créait, vendait et se faisait le promoteur» de ce type d'investissement.

Pour le PQ, François Legault a sauté dans la mêlée, disant que le gouvernement aurait dû intervenir quand la Caisse a acheté en masse de ces papiers commerciaux dans la première moitié d'août, alors que leur valeur était déjà en recul.

Selon Monique Jérôme-Forget toutefois, le gouvernement a toujours scrupuleusement respecté l'indépendance de la Caisse de dépôt.

«Jouer dans la Caisse de dépôt n'est pas la mission du ministre des Finances», dira-t-elle, précisant que ce problème n'est pas particulier au Québec, l'Angleterre et l'Allemagne étant aussi touchées.