Contrairement au père Noël, le ministre des Finances du Canada, Jim Flaherty, ne laissera pas de cadeaux au pied de l'arbre des contribuables. Il attendra plutôt le dépôt de son prochain budget, prévu normalement pour février.

Contrairement au père Noël, le ministre des Finances du Canada, Jim Flaherty, ne laissera pas de cadeaux au pied de l'arbre des contribuables. Il attendra plutôt le dépôt de son prochain budget, prévu normalement pour février.

Avant de quitter Ottawa pour les vacances des Fêtes, les 12 députés fédéraux siégeant au Comité permanent des finances ont remis leur liste de cadeaux au ministre : réduire les taux d'imposition des particuliers, réduire les impôts des bénévoles, permettre aux travailleurs de contribuer à leur REÉR deux années de plus, augmenter le crédit d'impôt à l'égard des fonds d'investissement des travailleurs (ex : les fonds de la FTQ et de la CSN), permettre de déduire les dons effectués dans les deux premiers mois de l'année suivante et réduire la TPS à 5%.

Que choisira le ministre Flaherty pour récompenser les Canadiens qui ont été sages durant l'année 2006?

« Le ministre m'a assuré qu'il lirait et étudierait le rapport avec intérêt, dit Diane Ablonczy, secrétaire parlementaire du ministre Flaherty et députée conservatrice de Calgary-Nose Hill. Mais il aura à choisir. Il ne peut pas inclure toutes les mesures dans le budget. »

« Le gouvernement a son ordre du jour mais il ne peut pas rejeter un tel rapport du revers de la main », dit Len Farber, conseiller principal en fiscalité au cabinet d'avocats Ogilvy Renault.

Ce dernier sait de quoi il parle : il a travaillé pendant 32 ans au ministère des Finances du Canada.

« Le rapport était toujours étudié sérieusement, notamment parce qu'il est le fruit d'un vaste processus de consultations auprès des contribuables. » Cet automne, les membres du comité ont sillonné le pays d'un bout à l'autre pendant deux semaines.

La Presse Affaires a examiné huit mesures fiscales tirées de la liste de cadeaux des parlementaires. Le verdict : le père Noël fédéral pourrait leur préférer ses propres surprises.

Réduire les taux d'imposition des particuliers

Les conservateurs veulent réduire le fardeau fiscal des contribuables canadiens, c'est bien connu. Mais ils n'ont pas les moyens de toucher aux taux d'imposition des particuliers, croit Len Farber.

« Réduire les taux d'imposition coûte très cher et la marge de manoeuvre du gouvernement diminue de plus en plus, dit-il. Les conservateurs pourraient plutôt être tentés d'octroyer des déductions ou des crédits d'impôt ciblant des catégories de contribuables. Un peu comme ils l'ont fait la dernière fois avec les crédits d'impôt pour le laissez-passer de transport en commun et la condition physique des enfants. »

Hausser à 71 ans l'âge limite de cotisation à un REÉR

En 1997, le gouvernement libéral de Jean Chrétien avait fait passer l'âge limite de cotisation à un REÉR de 71 à 69 ans. Les députés suggèrent maintenant de faire marche arrière.

« Je ne vois pas ça comme une priorité pour le gouvernement, dit M. Farber. Il a déjà fait beaucoup pour les contribuables de cette tranche d'âge en permettant aux conjoints de se transférer leurs revenus de pension. C'est une mesure fiscale plus utile que la hausse de l'âge maximal de cotisation à 71 ans. »

Réduire le gain en capital sur les dons de titres en Bourse

Voilà une idée promise à un brillant avenir, d'autant plus que le fisc fédéral ne tient pas compte du gain en capital lors d'un don de titres en Bourse à des fondations publiques (ex : Centraide). Les députés veulent élargir cette mesure aux fondations privées pendant cinq ans, question d'en tirer les conclusions appropriées.

« Beaucoup de gens qui ont de l'argent préfèrent donner à travers leur fondation privée, dit M. Farber. Le ministre Flaherty y a même consacré un paragraphe dans son premier discours du budget. Il ira probablement de l'avant avec cette mesure. »

Consentir un avantage fiscal aux bénévoles

Le bénévolat deviendra-t-il déductible de ses autres revenus? Len Farber en doute. « La valeur du bénévolat est impossible à mesurer, dit-il. À toutes les fois qu'une mesure fiscale est difficile à vérifier, il y a des abus. C'est la raison pour laquelle le ministre ne suivra pas cette recommandation. »

Uniformiser les taux d'intérêt

Surprise : le fisc utilise deux taux d'intérêt dans ses calculs. Un pour ses dettes envers les contribuables, soit 7% au premier trimestre de 2007. Un autre pour ses créances, soit 9% pendant la même période. Le deuxième est évidemment plus élevé. Les députés veulent mettre fin à cette injustice. Len Farber a déjà entendu la chanson. Il ne croit pas que le gouvernement Harper s'aventure à jongler avec les taux d'intérêt.

« Le gouvernement utilise des taux différents pour inciter les contribuables qui ne veulent pas payer leur créance à le faire, dit-il. Ce n'est pas une situation équitable pour le contribuable. Mais s'il diminue le taux d'intérêt sur ses créances, le gouvernement élimine un important incitatif au paiement. »

Hausser le crédit d'impôt relatif aux fonds d'investissement de travailleurs

Au fédéral – comme au Québec d'ailleurs –, les fonds d'investissement de travailleurs comme ceux de la FTQ et de la CSN détenus dans un REÉR sont admissibles à un crédit d'impôt de 15% sur les premiers 5 000 $ de cotisations par année. Il s'agit d'une économie d'impôt maximale de 750$.

Les membres du Comité permanant de finances veulent hausser le plafond du crédit fédéral à 10 000$.

« Je doute que le ministre aille de l'avant avec cette mesure, dit M. Farber. Le crédit est déjà généreux, d'autant plus qu'il est aussi disponible au niveau provincial et que la plupart de ces fonds n'offrent pas des rendements très intéressants. Beaucoup de gens s'en débarrassent aussitôt que la période minimale de détention des cotisations est terminée. »

Permettre de déduire les dons effectués en janvier et février

Un contribuable à la dernière minute peut cotiser à son REÉR jusqu'au 28 février de l'année suivante. Pourquoi les donateurs ne bénéficieraient-ils pas du même privilège?

« Je doute que le gouvernement Harper choisisse cette idée aux dépens d'autres mesures, dit M. Farber. En plus, cette question n'était pas une priorité des organismes à but non lucratif lors d'une consultation avec le ministère des Finances il y a quelques années. »

Réduire la TPS à 5%

En campagne électorale, les conservateurs ont annoncé leur intention de réduire la TPS de 7 à 5%. Ils ont tenu la moitié de leur promesse. « Ils n'ont pas la marge de manoeuvre fiscale pour réduire la TPS à 5% dès le prochain budget, dit M. Farber. De toute façon, la plupart des économistes croient que réduire les taxes à la consommation n'est pas une façon intelligente de réduire le fardeau fiscal des contribuables. »

Les surprises

Même s'il tiendra compte de certaines recommandations des parlementaires, Jim Flaherty fera avant tout des surprises aux contribuables canadiens.

« Comme ce sera un budget préélectoral, il vaudra plaire à différents types de contribuables, dit M. Farber. Il y aura certainement des avantages fiscaux pour les aînés. »

La mesure fiscale la plus importante du budget pourrait bien toucher l'impôt sur le gain en capital.

En campagne électorale, les conservateurs avaient promis d'éliminer l'impôt sur le gain en capital lorsque le gain est réinvesti en capital (ex : vendre des actions d'une société à profit pour acheter des actions d'une autre société).

« Le gouvernement ne pourra pas tenir sa promesse car personne ne paierait d'impôt sur le capital, dit M. Farber. Mais M. Flaherty pourrait faire passer le taux d'inclusion d'un gain en capital de 50% à 30 ou 25%. »

Une chose est certaine : les conservateurs n'auront pas autant de marge de manoeuvre que lors de leur premier budget.

« La réduction de la TPS d'un pourcent a coûté très cher, dit M. Farber. Et il y a la question du déséquilibre fiscal. Le ministre Flaherty aura plus de contraintes cette fois-ci. »