Malgré les réductions de dépenses, les fermetures d'usines et les licenciements massifs, l'industrie des pâtes et papiers reste dans une situation précaire et certains de ses gros canons, comme AbitibiBowater, pourraient ne pas survivre à la crise.

Malgré les réductions de dépenses, les fermetures d'usines et les licenciements massifs, l'industrie des pâtes et papiers reste dans une situation précaire et certains de ses gros canons, comme AbitibiBowater, pourraient ne pas survivre à la crise.

En 2008, pour la quatrième année consécutive, l'industrie dans son ensemble sera lourdement déficitaire, prévoit le Conference Board. Les pertes prévues sont de l'ordre de 435 millions de dollars cette année et de plus de 300 millions l'an prochain.

«Même si le recul du dollar canadien et la baisse des prix de l'énergie apporteront un certain soulagement à l'industrie, il ne faut pas espérer qu'elle recommence à enregistrer de bénéfices avant 2010», estime l'auteure de l'étude, l'économiste Valérie Poulin.

L'industrie canadienne des pâtes et papiers n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était. Depuis cinq ans, le nombre d'employés du secteur a diminué de 40%, passant de 145 000 à 84 400 employés et ses revenus ont diminué de 4 milliards.

Loin de s'améliorer, les perspectives de l'industrie s'assombrissent encore davantage avec la récession aux États-Unis, qui restent le principal marché de l'industrie canadienne.

Déjà affaibli, AbitibiBowater [[|ticker sym='T.ABH'|]], plus important fabricant nord-américain de papier journal, risque le pire avec les difficultés du groupe Tribune de Chicago, qui vient de demander la protection de la loi pour éviter la faillite.

L'éditeur, qui publie entre autres le Chicago Tribune et le Los Angeles Times, est un gros client d'Abitibi, et son titre est en chute libre à New York depuis que les difficultés du groupe sont connues. Hier, l'action a encore perdu près de 10%, à 37 cents US.

AbitibiBowater sera probablement incapable de respecter ses engagements et devra déclarer faillite, estime l'analyste Richard Kelertas, de Dundee Capital. Selon lui, les mesures annoncées jusqu'à maintenant par l'entreprise ne suffiront pas à redresser son bilan. AbitibiBowater doit refinancer pour plus de 1 milliard US de dettes dans l'année qui vient.

La popularité de l'internet, qui fait migrer la publicité des journaux imprimés aux supports virtuels, n'est pas le seul problème des producteurs de pâtes et papiers. Ils doivent aussi composer avec le coût élevé de la fibre, surtout dans l'Est du pays. Comme la demande pour le bois d'oeuvre est à plat, à cause de la faiblesse de l'économie américaine, les scieries ont réduit leurs activités et privent les producteurs de pâtes et papiers de leur matière première la moins coûteuse, les copeaux.

Dans l'Est du pays, le coût de la matière première est plus critique parce que les arbres sont plus petits et croissent plus lentement qu'en Colombie-Britannique, souligne l'économiste du Conference Board. En outre, la mauvaise gestion de la ressource dans l'Est du pays fait en sorte qu'il y a moins d'arbres disponibles et qu'il faut aller plus loin en forêt pour les couper.

Les conditions difficiles du marché sont responsables d'une partie des problèmes de l'industrie mais pas de tous. La mauvaise gestion de la ressource et le manque d'innovation dans l'industrie contribuent aussi à ses malheurs.

Selon le Conference Board, l'industrie canadienne est de plus en plus en position de faiblesse vis-à-vis des producteurs du Brésil et de l'Asie, qui fabriquent le même type de produits à meilleurs coûts. La production de papiers à valeur ajoutée est en baisse alors celle de papier ordinaire est en hausse, soit «exactement la direction inverse de celle que l'industrie devrait prendre».

À défaut de mettre sur le marché des produits plus innovateurs, l'industrie poursuivra son déclin. Depuis cinq ans, l'économie canadienne a crû de 14% mais la production totale de l'industrie des pâtes et papiers a diminué de 15%.

Dans ce portrait assez sombre de l'industrie tracé par le Conference Board, les entreprises ne sont pas toutes égales. Certaines s'en tirent mieux que d'autres et font encore des profits, selon l'analyste Benoit Laprade, de Scotia Capital, qui identifie entre autres Cascades [[|ticker sym='T.CAS'|]], Domtar [[|ticker sym='UFS'|]] et Catalyst Paper.