L'opération sera difficile, mais le patient devrait survivre. Et même en sortir plus fort.

L'opération sera difficile, mais le patient devrait survivre. Et même en sortir plus fort.

Ce constat à propos du secteur manufacturier canadien, c'est l'économiste en chef d'Exportation et développement Canada qui le fait. Stephen Poloz, qui était de passage à Montréal jeudi matin, suggère de regarder l'exemple américain des 10 dernières années pour comprendre ce qui attend les manufacturier canadiens.

«De 1997 à 2002, le dollar américain a monté de presque le même montant que le dollar canadien actuellement. Et on a vu beaucoup d'ajustements dans le secteur manufacturier, explique-t-il en entrevue à La Presse Affaires. Ça a été une période de mondialisation extrême dans le secteur.»

C'est à cette époque que les entreprises américaines se sont mises à investir massivement à l'étranger et à créer des «chaînes d'approvisionnement globales».

Des pièces sont fabriquées en Pologne, assemblées en Asie alors que des ingénieurs développent de nouveaux modèles en sol américain.

Résultat: «Une grande hausse de la productivité. On a dit que c'était un miracle. Ce n'est pas vraiment un miracle. C'est dû aux pressions du taux de change. Et à la fin, c'est un secteur manufacturier très fort, très rentable, aux États-Unis.»

Évidemment, il y a eu des victimes sur le chemin de cette plus grande productivité. Dans une note publiée cet automne, M. Poloz explique que le secteur manufacturier comptait pour près de 15% de l'emploi total aux États-Unis en 1995, soit 17 millions de travailleurs.

Lorsque le dollar américain a atteint son sommet au début de 2002, un employé d'usine sur 10 avait déjà perdu son emploi. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 14 millions dans le secteur manufacturier, soit 10,1% de l'emploi total aux États-Unis.

«Je pense qu'on va voir exactement la même chose ici. Les entreprises manufacturières ne vont pas disparaître. Elles vont s'ajuster. Elles vont trouver des moyens de couper les coûts en investissant dans la machinerie et vont se mondialiser.»

Et après? «Après ça, on va voir une période de croissance parce que le prix de nos exportations va diminuer. On va être plus compétitif et on va créer des emplois encore dans le secteur manufacturier après l'ajustement.»

Un huard à 85 cents US?

Pour réussir, les entrepreneurs canadiens devront toutefois faire vite. Si on se fie aux prévisions d'EDC, le dollar canadien devrait reculer substantiellement, ce qui rendra les achats de machineries et les investissements étrangers plus chers.

EDC prévoit en effet que le dollar canadien va revenir autour des 85 ou 90 cents US l'an prochain. Pour ça, il faudra que le baril de pétrole revienne à 65 $ US. Sinon...

«Le pétrole à 100$US, ça va nous donner un taux de change autour de la parité. Il faudra que le secteur manufacturier s'ajuste plus et probablement plus vite.»

EDC a développé un modèle intéressant pour estimer la valeur du huard: chaque hausse de 10 $ US du baril de pétrole équivaut à une hausse de 3 cents du dollar canadien.

L'agence fédérale offre du financement aux exportateurs canadiens. Son économiste en chef et premier vice-président constate qu'au taux de change actuel, plusieurs exportateurs vendent à perte.

«Ils essaient actuellement de garder des clients. Ils pensent que c'est temporaire. Mais si ça dure 18 mois ou un an, ils vont arrêter d'exporter. Ou ils vont essayer de monter leurs prix en dollar US. Mais ça, c'est difficile à faire.»

Et trouver de nouveaux débouchés internationaux? Oui, mais ça non plus ça ne se fait pas en criant ciseau. En plus, dit-il, c'est très important d'être présent aux États-Unis.

«C'est l'économie globale. Les petites entreprises se mondialisent en servant les entreprises aux États-Unis qui, elles, sont mondiales.»