La tentative de Quebecor Média de contrer en justice une offre d'achat concurrente à la sienne pour l'éditeur de journaux Osprey Média, de l'Ontario, se heurte à des questions insistantes, sinon réfractaires d'un juge à Toronto.

La tentative de Quebecor Média de contrer en justice une offre d'achat concurrente à la sienne pour l'éditeur de journaux Osprey Média, de l'Ontario, se heurte à des questions insistantes, sinon réfractaires d'un juge à Toronto.

Et la première journée de plaidoiries, mercredi en Cour supérieure de l'Ontario, s'est même terminée avec un sérieux échange entre le juge Colleen Campbell et le principal avocat de Quebecor, Alan Mark, du bureau de Toronto de la firme Ogilvy Renault.

Au coeur de l'argument: l'existence ou non d'un accord entre Black Press, dont l'offre pour Osprey menace de supplanter celle de Quebecor, et le grand éditeur de presse torontois Torstar, aussi actionnaire de Black Press, afin de se partager des actifs d'Osprey en Ontario, en cas de victoire contre Quebecor.

Dans un tel cas, selon Quebecor, l'offre de Black Press pour Osprey devrait être jugée irrecevable car elle violerait un accord moratoire entre ces deux entreprises, conclu lors du processus de recherche d'offre par Osprey.

«Il y a clairement eu un accord tacite entre Black Press et Torstar, qui est aussi son actionnaire, pour préparer un partage d'actifs d'Osprey après son acquisition. Dans ce cas, l'offre de Black pour Osprey ne peut être considérée comme supérieure à celle de Quebecor, selon les termes de l'accord moratoire», a expliqué l'avocat Alan Mark, avec insistance.

Mais à plusieurs reprises, durant sa plaidoirie initiale et sa réplique aux avocats adverses, l'avocat de Quebecor a souvent été interpellé par le juge Campbell quant à l'existence de «preuves admissibles en cour» d'une collusion entre Black Press et Torstar.

«Où sont les documents admissibles en justice qui prouvent un tel accord, au-delà de discussions d'affaires informelles?» a demandé le juge.

«De plus, vous impliquez une entreprise, Torstar, et son président qui ne sont même pas représentés en cour pour cette cause. Sans une preuve plus évidente, je dois vous avertir de mes doutes envers la validité de votre requête", a lancé le juge Campbell à de l'avocat de Quebecor.

Assis derrière l'avocat Alan Mark, le président de Quebecor Media, Pierre Karl Peladeau, qui a passé la journée en cour, a aussi semblé un peu étonné de la teneur des propos du juge.

Il était flanqué d'un avocat venu de Montréal, Marc Lacourcière, aussi de la firme Ogilvy Renault.

En fin de journée, M. Péladeau a quitté le tribunal en refusant tout commentaire aux quelques journalistes présents, même celui du Toronto Sun.

Il s'agit du quotidien de Quebecor Média dans la Ville-reine, et l'un des principaux concurrents du quotidien Toronto Star, publié par Torstar.

La suite de cette affaire en cour est prévue cet après-midi.

Et d'entrée de jeu, une décision est attendue du juge Campbell sur un prolongement du délai consenti à Quebecor pour amender son offre pour Osprey, afin d'égaler ou surpasser celle annoncée la semaine dernière par Black Press.

Ce délai doit échoir aujourd'hui à 16h. Quebecor demande un report d'au moins cinq jours ouvrables, le temps de régler le litige en cour.

Pour l'entreprise montréalaise, son projet d'acheter Osprey Media représente une étape majeure de ses ambitions d'expansion au Canada anglais.

Avec 20 quotidiens locaux en Ontario, et une trentaine de journaux non quotidiens, Osprey est la plus grande entreprise de presse écrite encore indépendante dans la province la plus populeuse au Canada.

Osprey, qui est structurée en fiducie de revenu, s'était mise en vente en mars dernier. Et à la fin de mai, elle annonçait le choix de l'offre de Quebecor à 7,25$ par part, ou 356 millions en tout.

Mais la semaine dernière, Osprey a soudainement changé de camp en faveur d'une offre subséquente de Black Press, annoncée à hauteur de 8,25$ par part, ou 400 millions en tout.

C'est cette offre que Quebecor demande à un juge ontarien d'invalider parce qu'elle découlerait de tractations de coulisses entre Black Press et Torstar, son actionnaire à 19%. Cette offre contreviendrait ainsi à un accord moratoire entre Osprey et Black Press, selon Quebecor.

En arrière-plan de cette dispute, toutefois, il y a la concurrence de plus en plus vive dans le sud de l'Ontario entre Quebecor et ses quotidiens à Toronto, London et Ottawa, contre le groupe Torstar.

Ce dernier tient à sa prédominance dans la région avec le grand quotidien Toronto Star et ses journaux affiliés.

C'est pourquoi on lui attribue à Toronto un intérêt particulier pour certains actifs d'Osprey, qu'il pourrait racheter après une main mise par Black Press.