Personne ne parle encore du commissaire Harry Arthurs. Pourtant, cet éminent avocat torontois, chargé par Ottawa d'examiner les normes du travail fédérales, propose que le salaire minimum atteigne l'indice du seuil de faible revenu.

Personne ne parle encore du commissaire Harry Arthurs. Pourtant, cet éminent avocat torontois, chargé par Ottawa d'examiner les normes du travail fédérales, propose que le salaire minimum atteigne l'indice du seuil de faible revenu.

La décence au travail. Voilà le principe fondamental qui devrait, selon Me Harry Arthurs, guider la réforme à venir des normes du travail fédérales. Cet ancien doyen de la faculté de droit de l'Université de Toronto a remis en octobre 2006 aux conservateurs un rapport commandé par les libéraux en 2004.

«Les normes du travail devraient faire en sorte que, quelles que soient les limites de son pouvoir de négociation, un employé de compétence fédérale ne puisse se voir offrir ou n'accepte des conditions de travail que les Canadiens ne considèrent pas comme décentes», écrit-il.

Me Arthurs a formulé ses recommandations au terme de deux ans d'études, d'audiences publiques, de tables rondes qui ont mobilisé près de 200 organisations patronales, syndicales et communautaires ainsi que des experts du travail, partout au pays.

Le commissaire était également assisté dans sa réflexion par trois conseillers experts, dont Me Gilles Trudeau, professeur en droit du travail à l'Université de Montréal.

«Les normes minimales de travail ont été conçues il y a 40 ans. Elles ne sont plus adaptées aux changements des modes de travail et aux nouvelles réalités de la main-d'oeuvre. Voilà pourquoi une réforme en profondeur s'impose», affirme Me Trudeau.

À l'instar de Me Arthurs, le professeur Trudeau estime que l'État doit jouer un rôle pour protéger les salariés les plus vulnérables. Plus encore, les deux juristes croient que cette protection doit être renforcée.

«Il y a 40 ans, explique Me Trudeau, les législateurs croyaient que la protection des travailleurs allait d'abord venir par les syndicats. Or, les taux de syndicalisation sont demeurés faibles dans le secteur privé, à 19 % au Canada et à 27 % au Québec. De plus, le nombre de travailleurs à statut précaire augmente. Il faut donc revoir l'approche gouvernementales.»

Plus d'un million de salariés canadiens travaillant dans des entreprises de compétence législative fédérale. Notamment, ceux des banques, du transport aérien, des aéroports et des ports, sont directement touchés par ce rapport.

Pas de travailleurs pauvres

Selon le Commissaire Arthurs, la hausse du salaire minimum est l'une des principales mesures permettant d'assurer la «décence au travail».

«Aucun travailleur ne devrait avoir une rémunération si faible qu'après avoir travaillé à temps plein dans un poste régulier pendant une année entière, il lui resterait moins d'argent que ce qu'il nécessite pour vivre au niveau du seuil de la pauvreté ou juste au-dessus de ce seuil», affirme-t-il.

Il propose donc que le salaire minimum soit établi en fonction du seuil de faible revenu. Selon une étude menée par l'organisme Au bas de l'échelle, ce seuil était de 10,22 $ l'heure en 2006.

Me Arthurs écrit encore: «Au même titre que nous rejetons la plupart des formes du travail des enfants pour des raisons d'ordre moral, quels que soient les avantages économiques, nous reculons devant l'idée que dans une société nantie comme la nôtre, des personnes travaillant dur doivent vivre dans la pauvreté la plus abjecte.»

Il recommande également de fixer à 48 heures la semaine maximale de travail, d'élargir les motifs de refuser le temps supplémentaire et de faire passer de 24 à 32 heures la durée du repos hebdomadaire obligatoire.

Il reconnaît par ailleurs les besoins de flexibilité des entreprises et propose différents mécanismes pour permettre aux employeurs d'adapter les horaires de travail aux exigences de la production et de la concurrence.

«Les travailleurs traités de manière décente sont susceptibles d'être plus productifs que ceux qui ne sont pas bien traités. On pourrait affirmer que les normes du travail fédérales aident les employeurs à agir dans leur meilleur intérêt», avance Me Arthurs.

Les autonomes

Son rapport recommande également la création d'une nouvelle catégorie de travailleurs: les autonomes. Actuellement, la loi est muette à leur sujet, ne reconnaissant que les salariés et les entrepreneurs. Les travailleurs autonomes sont privés de la plupart des protections sociales dont jouissent les salariés, à l'exception, au Québec, du droit à des congés parentaux.

«Me Arthurs reconnaît que les caractéristiques de ce statut diffèrent selon les secteurs de l'économie. Il propose donc que la définition de travailleur autonome soit établie par secteur, par exemple lors de conférences nationales», explique Me Trudeau.

Dans la même veine, la nature de la protection sociale accordée aux travailleurs autonomes serait établi par secteur. Me Arthurs suggère que cette protection soit partielle et passe par des «banques d'avantages sociaux» mises en place par des compagnies d'assurances ou par le gouvernement.

En 2004, une commission consultative présidée Me Jean Bernier, professeur à l'Université Laval, acheminait des recommandations similaires au gouvernement du Québec. Depuis, son rapport est «à l'étude».

Le rapport Arthurs et toutes les contributions qui l'ont inspiré, sont sur www.fls-ntf.gc.ca