Un rachat par endettement de BCE (T.BCE), la société mère de Bell Canada, risque de coûter cher aux détenteurs de ses milliards de dollars en obligations, dont la qualité et la valeur seraient dégradées.

Un rachat par endettement de BCE [[|ticker sym='T.BCE'|]], la société mère de Bell Canada, risque de coûter cher aux détenteurs de ses milliards de dollars en obligations, dont la qualité et la valeur seraient dégradées.

Et très inquiète de ce fait, une firme montréalaise de gestion de placements en obligations, Addenda Capital, demande au conseil d'administration de BCE de ne pas négliger les investisseurs dans ses titres de dette, lors de son examen de toute offre d'achat pour l'entreprise.

De telles offres pour BCE sont attendues d'une journée à l'autre de la part de consortiums de grosses caisses de retraite. Une telle transaction approcherait les 30 milliards de dollars, dont les deux tiers au moins pourraient être financés par endettement.

Dans une lettre au conseil de BCE, que La Presse Affaires a obtenue, Addenda Capital soutient que tout «endettement massif» de BCE qui résulterait d'un rachat complet de l'entreprise serait «profondément inéquitable» et l'équivalent d'une «expropriation sans compensation» à l'endroit des détenteurs de titres de dette existants.

Dans le marché des obligations, il faut comprendre qu'une hausse significative de l'endettement d'une entreprise-émettrice et, par conséquent, une augmentation de son risque financier se traduisent par une baisse rapide et parfois forte de la valeur marchande de ses titres de dette existants.

Dans le cas de BCE, c'est ce qui vient de se passer avec ses obligations et celles de sa principale filiale, Bell Canada.

Ces deux entreprises sont parmi les plus gros émetteurs de titres de dette d'affaires au Canada. Leur encours d'obligations (en valeur nominale) atteint 8,5 milliards, dont 7,9 milliards seulement pour Bell Canada. Les échéances de ces titres s'échelonnent jusqu'en 2035.

Or, en quelques semaines, la valeur marchande des obligations de BCE et de Bell Canada a reculé de 10 % en moyenne, selon leur échéance.

Pendant ce temps, la valeur des actions de BCE aux Bourses de Toronto et de New York grimpait d'environ 30 %, fouettée par la possibilité d'une riche offre d'achat.

«En très peu de temps, ça représente déjà un transfert de valeur d'environ 1 milliard des détenteurs d'obligations de BCE et Bell Canada vers les actionnaires de BCE», a souligné Benoît Durocher, président d'Addenda Capital, à La Presse Affaires.

«C'est pourquoi nous demandons par écrit aux administrateurs de BCE de bien considérer le sort des détenteurs d'obligations lors de leur évaluation de toute offre. Les responsabilités de ces administrateurs ne se limitent pas aux actionnaires de BCE, mais s'étend aussi aux investisseurs dans ses titres de dette.»

Addenda Capital gère quelque 28 milliards en placements obligataires pour environ 215 investisseurs institutionnels au Canada, en majeure partie des caisses de retraite.

Et de cet actif sous gestion, des obligations de BCE et de Bell Canada comptent pour «quelques centaines de millions de dollars», selon M. Durocher.

Avec sa lettre au conseil de BCE, Addenda Capital rejoint aussi une dizaine de gestionnaires de gros portefeuilles obligataires au Canada qui ont décidé de faire pression sur BCE afin qu'elle respecte leurs intérêts.

Certains d'entre eux auraient même menacé BCE de déclencher des clauses de rachat ou de paiement immédiat de leurs titres de dette, en cas de transaction qui leur serait trop défavorable.

De même, d'importantes agences de notation financière comme DBRS et Moody's ont déjà émis des avertissements envers le risque de dégradation de cote de crédit de BCE et de Bell Canada, en cas de rachat par endettement.