La question ne date pas d'hier. «On connaît la controverse entourant cet événement annuel. Il y a des gens qui y sont favorables et d'autres qui s'y opposent», écrivaient en 1973 les auteurs du livre Les plaisirs de l'hospitalité, publié par la compagnie Seagram.

La question ne date pas d'hier. «On connaît la controverse entourant cet événement annuel. Il y a des gens qui y sont favorables et d'autres qui s'y opposent», écrivaient en 1973 les auteurs du livre Les plaisirs de l'hospitalité, publié par la compagnie Seagram.

Ce petit manuel dépassait largement les recettes de cocktails. Il prodiguait plusieurs conseils sur les meilleures façons de réussir des activités sociales d'entreprises arrosées - on le devine - de boisson, en plus d'en rappeler le sens.

Sa lecture nous rappelle qu'il y a 30 ans, la Tolérance zéro en matière d'alcool et de tabac n'existait pas. Les organisateurs géraient le bar sans trop se préoccuper des perceptions.

Par ailleurs, la reconnaissance et la mobilisation des ressources humaines - qui s'appelait encore le personnel - ne faisaient pas partie du vocabulaire des organisations.

Seagram avait néanmoins coiffé le chapitre consacré aux événements d'affaires d'un titre très tendance ces jours-ci: «Joindre plaisir et travail».

«Les affaires se font parfois à un rythme trépidant. Les nombreuses interruptions, au bureau, ne favorisent pas toujours les entretiens détendus et constructifs, si nécessaires à plusieurs décisions. C'est pourquoi les rencontres sociales pour affaires peuvent jouer un rôle déterminant», expliquait-on en introduction.

Seagram soulignait de plus que lors des activités de la période des Fêtes, «la camaraderie règne en maître et on oublie la hiérarchie» et que «les soirées de Noël sont une des rares fois où des gens d'âges et de salaires différents peuvent se réunir».

En 2007, plusieurs chercheurs et praticiens de la gestion tiennent un discours similaire sur l'importance des événements sociaux pour consolider les liens.

N'empêche. Le party de Noël est-il devenu une dépense folle, voire inutile, ou est-il encore, comme en 1973, un moyen d'allier plaisir et travail?

Symbole ou obligation?

Antoine Devinat, psychologue organisationnel chez Dolmen Capital humain, a fait une rapide consultation auprès de ses collègues avant de se prononcer.

«Nous trouvons dommage que la décision relative à cet événement soit devenue une question délicate, notamment en raison des préoccupations légitimes de sécurité, d'alcool au volant ou encore à cause de la peur des perceptions négatives», résume-t-il.

Selon l'équipe de Dolmen, cette décision devrait reposer sur le symbolisme que revêt cet événement pour ceux qui y participent.

«Si on met toutes nos pommes dans le panier du party de Noël pour favoriser de meilleures relations et pour stimuler l'engagement, ça devient une obligation et on passe à côté», note le psychologue.

M. Devinat croit que les risques de dérapages sont beaucoup plus élevés dans les organisations où cet événement est le seul rassemblement annuel des cadres et des employés.

Ses impacts sont plus bénéfiques s'il s'inscrit dans une culture organisationnelle qui favorise les regroupements dans une ambiance festive sur une base régulière.

Le conférencier Jean-Luc Tremblay, est un farouche partisan de cette approche.

«Pour contrer l'obsession du résultat pour le résultat, personnalisons nos rapports, retrouvons notre coeur d'enfant et surprenons agréablement notre personnel ou nos collègues pas des gestes inusités qui vont illuminer leurs journées» écrit-il dans La performance par le plaisir, paru en 2006 aux Éditions Transcontinentales.

Lorsqu'il dirigeait le Centre hospitalier de Rouyn-Noranda, il a encouragé la tenue de nombreux événements organisés par des employés. La fête de Noël réunissait près de 500 participants.

«Plus les comités organisent d'événements au cours de l'année, plus les relations de travail et le fonctionnement de l'organisation s'améliorent», insiste-t-il.

M. Tremblay allouait même aux organisateurs de petits budgets et leur permettait de se réunir pendant les heures de travail.

Seagram, pour sa part, conseillait à l'époque aux patrons de tenir tous leurs événements sociaux pendant les heures de travail.

«Obliger le personnel à rester après les heures est le meilleur moyen d'abaisser, plutôt que de hausser, le moral», précisait son manuel.

Selon Jacques Forest, professeur en comportement organisationnel à l'École des sciences de la gestion de l'Université du Québec à Montréal, le succès des pratiques prônées par monsieur Tremblay - et Seagram à l'époque - s'explique entre autres par le fait qu'elles contribuent à satisfaire des besoins essentiels chez tout être humain.

«Tout individu adopte un comportement optimal au travail lorsque trois besoins sont satisfaits: l'autonomie, le sentiment de compétence et l'affiliation sociale. Un party de Noël, s'il souligne les bons coups, envoie des indices de compétence», dit-il.