Pour les ONG et leurs collègues, ils sont les fossoyeurs des forêts d'Afrique centrale. Même si certains ont commencé à jouer le jeu de l'aménagement durable, les forestiers asiatiques traînent toujours une réputation de dangereux prédateurs.

Pour les ONG et leurs collègues, ils sont les fossoyeurs des forêts d'Afrique centrale. Même si certains ont commencé à jouer le jeu de l'aménagement durable, les forestiers asiatiques traînent toujours une réputation de dangereux prédateurs.

Arrivés il y a dix ans dans le bassin du Congo, Malaisiens et Chinois s'y sont vite taillé une place de choix. Leurs sociétés, dopées par l'appétit insatiable de leur marché intérieur, contrôlent aujourd'hui l'essentiel de la production de bois en Guinée équatoriale et ont acquis de solides positions au Congo, au Gabon et en Centrafrique.

Mais, déplorent la plupart des acteurs du secteur, ce débarquement s'est opéré à grands coups de tronçonneuses et de pots de vins, au détriment de l'environnement et de la bonne gouvernance.

Dans un rapport publié en 2003, l'Observatoire congolais des droits de l'Homme (OCDH) accusait ainsi deux sociétés à capitaux chinois installées dans le sud du pays de "saccage, coupe de bois hors-norme, destruction des infrastructures routières et de l'environnement, violations des droits des travailleurs et non-respect des cahiers de charges".

"Trois ans après, rien n'a changé", soupire l'auteur du rapport, Roch Euloge N'zobo. "Ces sociétés continuent à se comporter en grands délinquants de l'exploitation forestière et violent la loi en toute impunité", accuse-t-il.

A en croire son collègue gabonais Marc Ona Essangui, de l'ONG Brainforest, les dérapages asiatiques sont tout aussi fréquents au Gabon.

"Ces gens-là font ce qu'ils veulent", affirme-t-il. "Leur bois part directement sur leur propre marché, où l'on se moque éperdument de l'environnement. Nous n'avons donc aucun moyen de pression sur eux. En plus, ils arrosent les autorités pour qu'elles ferment les yeux", déplore-t-il.

Des accusations catégoriquement rejetées par le ministre gabonais de l'Economie forestière Emile Doumba. "Les sociétés asiatiques viennent d'arriver chez nous, il faut leur laisser du temps. Tout le monde va appliquer les règles. Il n'y aura pas d'exception", assure-t-il.

A l'appui de sa plaidoirie, le ministre cite le cas de la filiale gabonaise du numéro 1 mondial de l'exploitation forestière, le groupe malaisien Rimbunan Hijau, qui vient de se lancer dans l'aménagement.

"Il ne faut pas diaboliser les sociétés asiatiques", souligne Lee White, de la Wildlife Conservation Society (WCS) américaine. "Certaines évoluent, même si la plupart ont encore beaucoup de retard. L'important, c'est que les Etats fassent absolument respecter leurs lois", explique-t-il.

C'est bien la principale source d'inquiétude des ONG et bailleurs de fonds. "Le problème de fond n'est pas dans la réglementation mais plutôt dans la difficulté à la faire appliquer dans la pratique", relevait le mois dernier une mission d'évaluation de la Banque mondiale au Congo.

"C'est une question de volonté politique dans un secteur où la corruption est très importante", confirme un expert européen. "Malheureusement, elle n'est pas toujours au rendez-vous", ajoute-t-il.

Au point que de nombreux industriels du secteur tirent la sonnette d'alarme. "Les Chinois sont de plus en plus présents dans la région, où ils rachètent de nombreux petits permis", note l'un d'eux. "En travaillant en dehors des règles, ils font une concurrence déloyale aux sociétés qui ont investi d'énormes sommes dans l'aménagement", poursuit-il.

Avec, à terme, le risque de les faire disparaître. "L'objectif des Chinois reste de faire de l'argent rapidement", confirme Laurent Magloire Somé, du Fonds mondial pour la nature (WWF).

"Si rien n'est fait, les voyous vont vite l'emporter sur les vertueux. Et tout nos efforts pour protéger la forêt seront réduits à néant", prévient-il.

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