Il reste deux jours avant Noël et vos cadeaux ne sont pas tous achetés. Scénario classique, direz-vous, plusieurs d'entre nous attendent à la dernière minute pour terminer leur magasinage des Fêtes.

Il reste deux jours avant Noël et vos cadeaux ne sont pas tous achetés. Scénario classique, direz-vous, plusieurs d'entre nous attendent à la dernière minute pour terminer leur magasinage des Fêtes.

Pour Marc Bertrand, président et chef de la direction de MEGA Brands, Noël 2006 est déjà de l'histoire ancienne. En fait, Noël 2007 aussi est chose du passé. Ce qui occupe actuellement le plus important fabricant de jouets au Canada, c'est Noël 2008. Ce n'est pas que le grand patron de MEGA Brands soit un maniaque de la planification, c'est tout simplement une exigence de l'industrie du jouet.

"Tous les ans, en octobre se tient le Toy Fair à New York. Les fabricants présentent alors aux acheteurs les produits pour Noël de l'année suivante. Donc, en octobre, on a présenté nos jouets pour Noël 2007."

S'il faut en croire Marc Bertrand, les jeux de construction, le matériel d'artisanat, les jeux de société et les casse-tête que son entreprise a présentés à New York ont eu beaucoup de succès. "Pour nous, c'est clair que 2007 sera une année record, tant au niveau des ventes que des profits."

Année forte en rebondissements

Si 2007 s'annonce bien, 2006 n'a pas été piquée des vers non plus. L'année qui se termine aura été particulièrement chargée. La grippe que Marc Bertrand combattait, au moment de l'entrevue, a certainement un lien avec les nombreuses émotions par lesquelles il est passé au cours des derniers mois.

Il y a eu notamment la poursuite intentée par les anciens propriétaires de Rose Art Industries, entreprise du New Jersey achetée l'an dernier par MEGA Brands. Le litige porte sur une clause de paiement conditionnel de 50 millions de dollars incluse dans la vente, clause que MEGA Brands refuse d'honorer pour l'instant. La cause est devant les tribunaux.

"Selon le contrat de vente, on a le droit de déduire certaines charges, il y a certaines choses qui s'appliquent à Magnetix là-dedans. On n'était pas capables de s'entendre avec eux sur ce point."

Magnetix, c'est le nom des jouets qui sont au coeur du litige. Développés par Rose Art, ce sont des jeux de construction où les pièces, plutôt que de s'emboîter l'une dans l'autre, sont jointes par la force d'un aimant.

Le 31 mars 2006, la US Consumer Product Safety Commission a déposé un avis négatif sur les jouets Magnetix. Globalement, 34 incidents ont été signalés, dont la mort d'un bambin de 20 mois. MEGA Brands n'avait jamais eu auparavant de problèmes de sécurité avec ses propres jouets.

"C'est très triste qu'un jeune garçon soit mort avec un de nos produits. Je ne pense pas qu'on pouvait prévoir ça quand on a acheté Rose Art. Cela dit, nous avons fait tout ce qui était possible pour régler la situation. On a amélioré la qualité du produit, le design, on a changé tous nos emballages pour mettre un avertissement sur les produits."

En ajoutant un avertissement relatif à l'ingestion ou l'inhalation des aimants, MEGA Brands a contribué à établir une nouvelle réglementation dans l'industrie du jouet. "On a travaillé avec l'industrie pour adopter de nouvelles normes d'avertissement."

Le 25 octobre dernier, MEGA Brands annonçait le règlement de presque toutes les poursuites et réclamations relatives aux jouets Magnetix. La somme totale versée s'élève à 13,5 millions US.

Dora, une super licence

L'année 2006 s'est cependant terminée sur une note plus joyeuse. Début décembre, l'entreprise montréalaise concluait une entente de fabrication sous licence de plusieurs années avec Nickelodeon & Viacom Consumer Products pour le développement de jouets de construction inspirés des personnages de séries télévisées très populaires, comme Dora l'Exploratrice.

"C'est une super licence. Dora est actuellement le numéro un aux États-Unis pour la fabrication sous licence. On va étendre sa popularité partout dans le monde. On a 14 bureaux de vente dans le monde et notre réseau de distribution couvre 100 pays."

Marc Bertrand explique que les gens de Nickelodeon ont été séduits par cette force de vente. Ils ont également beaucoup aimé l'esprit d'innovation de l'entreprise, la capacité qu'a MEGA Brands de donner vie aux personnages. "Notre stratégie de licence, c'est de prendre les meilleures licences qui sont bien connues par les enfants. On établit un plan d'affaires de trois à cinq ans avec nos partenaires pour développer les personnages et les incarner dans toute notre gamme de produits, des jeux de construction en passant par l'artisanat jusqu'aux casse-tête."

La fabrication de produits sous licence représente 18% des ventes de MEGA Brands. Parmi les entreprises avec qui elle fait actuellement affaire on retrouve Disney et Marvel Entertainment, le concepteur de Spider-Man. En général dans l'industrie du jouet, la proportion de revenus provenant des licences atteint 31%. Marc Bertrand admet qu'il reste encore beaucoup de potentiel à exploiter de ce côté.

L'importance de l'innovation

Si on veut augmenter l'importance de la fabrication sous licence, le coeur de l'entreprise demeure l'innovation et le développement de nouveaux jouets. Chaque année, MEGA Brands renouvelle de 35% à 40% de sa gamme de produits.

"L'innovation, le produit, c'est le coeur de l'entreprise. Ici, à Montréal, on a plus de 100 professionnels dans le design, dans le marketing, dans l'ingénierie, qui créent les produits de construction Mega Blocks et Magnetix."

MEGA Brands investit tous les ans entre 3% et 4% de son chiffre d'affaires en recherche et développement, soit l'équivalent de 20 millions de dollars par année. Si le plus grand centre de développement est à Montréal, MEGA Brands en a d'autres, plus petits, aux États-Unis, en Europe et à Hong Kong.

"On aime les petits centres de design pour amener l'aspect local des tendances. Certaines idées qui émergent ailleurs se font développer ici à Montréal."

Voilà pour l'aspect création, mais MEGA Brands est aussi un fabricant de jouets. Mondialisation oblige, l'entreprise a déplacé une partie de la fabrication en Asie. Actuellement, 35% des produits de construction Mega Blocks sont fabriqués ici à Montréal, le reste est fait en Chine. "Pour chaque produit, on regarde le coût de fabrication en Chine par rapport à ici. Les produits plus volumineux sont faits ici et les jouets plus décorés, avec beaucoup de manipulation sont fabriqués en Chine."

LEGO, la grande rivale

Fondée en 1985 par Victor Bertrand, le père de Marc, MEGA Brands est une entreprise dont l'actionnariat est plutôt dispersé. Vic Sénior, comme son fils l'appelle, détient 17% des actions de l'entreprise; l'ensemble des membres de la direction possèdent un bloc de 8%, c'est donc dire que 75% des actions sont entre les mains du public investisseur. MEGA Brands pourrait donc être le candidat parfait pour une prise de contrôle. Une perspective qui ne semble pas inquiéter Marc Bertrand outre mesure.

"On s'occupe bien de la business, c'est notre rôle. On se dit que plus on grossit, plus on coûtera cher à acheter."

De toute évidence, la possibilité qu'un prédateur puisse convoiter son entreprise ne trouble pas le sommeil de Marc Bertrand. Ce qui l'allume par exemple, c'est lorsqu'on aborde la bataille qu'il livre à LEGO, numéro un mondial des jeux de construction.

L'entreprise danoise a bien essayé de freiner sa rivale montréalaise, ayant intenté de nombreuses poursuites pour concurrence déloyale. LEGO alléguait que MEGA Brands imitait son produit pour confondre le public.

"Depuis le début des années 90, on a eu des litiges avec LEGO en Europe qui tentait de nous bloquer l'accès aux pays européens. On a pris ça pays par pays, puis on a toujours gagné. Il reste certains pays à percer comme les Pays-Bas et l'Europe de l'Est."

Maintenant que la majorité des causes sont réglées, Marc Bertrand est prêt à passer à l'offensive. L'entreprise montréalaise chauffe déjà pas mal son concurrent. "Pour la première fois en novembre, on était numéro un en Angleterre, même chose pour l'Espagne. Au Canada, on est quasiment à égalité et il y a plusieurs autres pays où on approche le numéro un dans la construction. La vraie compétition commence."

Courriel Pour joindre notre chroniqueusemboisver@lapresse.ca

MEGA Brands Président et chef de la direction: Marc Bertrand Activité: fabricant de jouets Siège social: Montréal Revenus (2005): 407 millions US Nombre d'employés: 5000 Source : MEGA Brands