Le passeport est de mise à la frontière canado-américaine. Les États-Unis ont décidé d'ériger un mur afin de lutter contre l'immigration illégale en provenance du Mexique. Les négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) n'avancent plus. Aucun doute, les temps sont durs pour les libres-échangistes.

Le passeport est de mise à la frontière canado-américaine. Les États-Unis ont décidé d'ériger un mur afin de lutter contre l'immigration illégale en provenance du Mexique. Les négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) n'avancent plus. Aucun doute, les temps sont durs pour les libres-échangistes.

«Ce qui est désolant, c'est qu'on régresse!», dit l'ancien premier ministre du Québec, Bernard Landry, qui participait hier à une discussion sur le libre-échange à la Conférence de Montréal.

L'ancien chef du Parti québécois n'a jamais caché ses convictions libres-échangistes -il a été l'un des plus grands défenseurs de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). L'ancien premier ministre du Québec pose aujourd'hui un regard critique sur l'ALENA, en vigueur depuis 1994.

«L'accord nous a aidés, mais seulement à une infime fraction de ses possibilités», dit-il.

«Ça me déçoit que deux pays riches comme le Canada et les États-Unis n'aient pas réussi à tendre la main au Mexique, poursuit-il. Si les Mexicains quittent leur pays pour les États-Unis, c'est que nous n'avons pas fait notre travail avec l'ALENA. Le jour où le Mexique aura le même revenu par habitant que les États-Unis, les Mexicains n'auront plus envie d'aller à Milwaukee. Il faudra alors peut-être une barrière dans l'autre sens»

L'ancien premier ministre du Québec se méfie des derniers élans protectionnistes de nos voisins du Sud.

«C'est une aberration de nous demander un passeport pour entrer aux États-Unis, dit-il. Il y a un demi-million de Québécois qui vivent en Floride. Comment peut-on nous faire ça? Washington n'a aucun souci de son image. Alors que leur niveau d'estime est au plus bas de leur glorieuse histoire, les Américains exigent un passeport au nord et érigent une barrière au sud de leur zone de libre-échange.»

La ZLEA en panne

Alors que l'ALENA bat de l'aile, l'autre grand projet des libres-échangistes nord-américains ne se porte guère mieux.

La ZLEA, qui regroupe tous les pays des Amériques sauf Cuba, devait voir le jour en 2005 selon le souhait du président américain Bill Clinton, qui avait lancé les discussions à Miami en 1994.

Aujourd'hui, la ZLEA n'existe toujours pas. Et les négociations sont au point mort. «Elles sont en panne, largement à cause de la conjoncture politique américaine, dit Bernard Landry. Les pays de l'Amérique latine ont toujours eu des réserves (sur la ZLEA) et Bush n'a pas la crédibilité pour mener un tel dossier après le drame irakien.»

«La ZLEA n'est pas morte, mais ce sera plus long que prévu. Au fil des ans, de nouvelles réalités politiques sont apparues au Venezuela, en Bolivie, en Équateur et au Nicaragua. En plus, les États-Unis ont décidé de négocier en même temps de façon bilatérale avec certains pays», dit Barry Featherman, président du Conseil économique interaméricain, une organisation non gouvernementale établie à Washington.

Les pays de l'Amérique du Nord ont intérêt à voir la ZLEA naître rapidement, croit Bernard Landry.

«Nous nous sommes fait jouer un tour: les Européens nous remplacent dans les Amériques, dit-il. Les Chinois sont aussi plus avancés que nous en matière de libre-échange en Amérique du Sud. Nous avons été négligents.»

Que les Canadiens qui craignent la disparition de leur dollar au profit d'une monnaie commune se rassurent: les adeptes du libre-échange en ont déjà assez sur les bras.

«La monnaie, c'est le couronnement (du libre-échange), dit Bernard Landry. Quand on a aboli tous les obstacles, il reste la monnaie. Si les Européens ont mis 50 ans avant d'adopter une monnaie commune, imaginez nous...»