Les fantômes de fracassantes faillites d'Enron, WorldCom et de Tyco, hantent la sélection finale des jurés au procès de l'ex-magnat de presse Conrad Black, à Chicago.

Les fantômes de fracassantes faillites d'Enron, WorldCom et de Tyco, hantent la sélection finale des jurés au procès de l'ex-magnat de presse Conrad Black, à Chicago.

Ils seront 12 jurés - et six tenus en réserve - qui entendront à compter de lundi les éléments de preuve et les témoins convoqués par les procureurs fédéraux, qui ont déposé les accusations criminelles contre M. Black et trois ex-associés.

Mais jeudi, durant la deuxième et dernière journée de sélection, le ton a monté du côté des avocats de M. Black après que des candidats eurent mentionné leurs mauvais sentiments envers les dirigeants d'entreprise, à la suite de scandales et procès retentissants aux États-Unis.

«Je crois que les présidents et les chefs financiers de grandes entreprises sont trop payés. S'il est question de millions de dollars, je voudrais savoir d'où ça vient, comment ce fut obtenu, et pourquoi?», a indiqué une femme dans la quarantaine à une question de la juge Amy St Eve. Elle préside le procès dans sa grande salle d'audience au 12e étage du palais de justice du centre-ville de Chicago.

Peu après, au sujet de l'évasion fiscale, l'une des accusations qui pèse sur M. Black et ses co-accusés, une autre candidate jurée a étonné le tribunal en lançant: «Je suis contre les avantages fiscaux. Et je voudrais que tous ceux qui font de l'évasion fiscale se fassent attraper!»

Puis, interrogée par la juge sur toute opinion préconçue envers les gens fortunés, une autre dame, assistante-comptable de profession, a répondu que «si des gens comme ceux-là sont amenés devant la justice, il doit bien y avoir quelque chose de louche dans ce qu'ils ont fait».

Décidément pas le style de jurés souhaités par les avocats de Conrad Black...

Mais le moment qui les a fait réagir ouvertement devant la juge St Eve est survenu quand un homme dans la trentaine qui est comptable chez le géant aéronautique Boeing a multiplié les références à de gros scandales d'affaires.

«Mon travail consiste justement à vérifier l'exactitude et la conformité des résultats financiers d'une grande entreprise. Par conséquent, quand je vois arriver en justice des cas comme ceux de WorldCom et de Tyco (détournement de centaines de millions par le président), je suis enclin à penser que les dirigeants d'entreprises qui sont accusés ont sans doute fait quelque chose de croche», a lancé le comptable.

Ces commentaires d'un juré potentiel ont incité le principal avocat américain de Conrad Black, Edward Genson, a tenté de le faire écarter sur le champ, avec un conciliabule immédiat et privé entre les avocats et la juge.

Finalement, le souhait de l'avocat de M. Black a été exhaussé plus tard en après-midi, lors du premier gros tamisage des jurés potentiels qui a réduit leur liste de moitié à une quarantaine de candidats.

D'autres candidats qui avaient mentionné de gros scandales d'affaires aux États-Unis, et qui avaient louvoyé lorsque la juge St Eve vérifiait leur volonté d'en faire abstraction s'ils devaient juger Conrad Black, ont aussi été écartés rapidement.

Toutefois, ce ne fut pas sans que le principal procureur fédéral en cour, Eric Sussman, intervienne en faveur de certains d'entre eux, en tentant de minimiser leurs propos.

Quoiqu'il en soit, la journée s'est terminée avec une liste de jurés potentiels réduite à une vingtaine de noms.

C'est lundi matin, avec l'amorce prévue de la preuve par les procureurs fédéraux, que l'on saura la composition finale du jury de 12 personnes qui décidera d'ici trois à quatre mois du sort de M. Black et ses ex-adjoints.

Mais encore hier, au tribunal, il était d'ores et déjà évident que ces jurés seraient des gens de classe sociale bien différente des fréquentations habituelles de Conrad Black et son épouse, Barbara Amiel.

Aussi, ce sont des jurés qui, même s'ils entendront des arguments juridiques et financiers impliquant des transactions de plusieurs dizaines de millions de dollars, devront tout de même se contenter d'une rémunération initiale de 40 $US par jour de séance, puis 50 $US si ça s'allonge.

S'ajoute une allocation de déplacement de 48 cents US par mille de distance entre leur résidence et le palais de justice.