Trente-quatre milliards de dollars, à raison de 92,50 $ CA par action.

Trente-quatre milliards de dollars, à raison de 92,50 $ CA par action.

C'est la nouvelle valeur attribuée à Alcan par les investisseurs boursiers, au lendemain de son rejet de l'offre d'achat lancée par sa rivale américaine Alcoa.

Cet autre gain de 5% en quelques heures témoigne des attentes accrues pour au moins une, sinon quelques offres supérieures pour la multinationale de l'aluminium dirigée de Montréal.

«Alcan pourrait s'élever jusqu'à 90 $ US l'action (98 $ CA) en cas d'offres concurrentes à celle d'Alcoa», selon l'analyste Kuni Chen, spécialise de l'industrie métallurgique chez Bank Of America Securities, à New York.

À un tel prix d'action, la valeur boursière d'Alcan approcherait les 36 milliards CA. Ce serait 6 milliards de plus que la valeur attribuée à l'offre d'Alcoa en comptant et en actions, selon sa plus récente cote boursière à New York.

N'empêche, aux bureaux de direction d'Alcoa, à New York, on a réitéré que l'offre annoncée le 7 mai dernier est «le choix qui s'impose» pour les actionnaires d'Alcan.

«Notre offre est équitable, repose sur une évaluation complète et représente une valeur importante», indique Alain Belda, président du conseil et chef de la direction d'Alcoa, dans un communiqué publié en fin de journée.

Alain Belda soutient aussi avoir rencontré «un grand nombre d'actionnaires d'Alcan» et que ceux-ci «appuient fortement le regroupement» entre les deux producteurs d'aluminium.

Malgré son rejet par le conseil d'Alcan, l'offre d'achat d'Alcoa demeure valable jusqu'au 10 juillet. À moins qu'Alcoa décide de la modifier ou de la prolonger.

Mais pour que les actionnaires d'Alcan voient poindre un pactole de plus de 30 milliards à se partager, il faudra voir une vraie bagarre d'offres.

Pour le moment, Alcan ne confirme que des «discussions avec des tierces parties» afin de supplanter l'offre de sa rivale américaine Alcoa, mais sans en identifier aucune.

De l'avis d'analystes, trois géants métallurgiques mondiaux pourraient être candidats: l'Australien BHP Billiton, le Britannique Rio Tinto et le Brésilien CVRD.

Jusqu'à maintenant, c'est surtout BHP Billiton, plus grosse entreprise de ressources du monde, qui a fait part d'un intérêt général pour d'autres acquisitions, peut-être même sa rivale minière Rio Tinto.

Mais c'est assez pour susciter des rumeurs boursières à propos d'une offre pour Alcan. Et même sa prétendante Alcoa, dont les actions ont aussi gagné 3,5% mercredi à la Bourse de New York.

«Nous regardons tout ce qui serait intéressant pour BHP Billiton, que ce soit notre rival Rio Tinto ou n'importe quelle autre entreprise», a indiqué mercredi le chef de la direction de BHP Billiton, Charles Goodyear, en marge d'un déjeuner d'affaires à Perth, en Australie.

Et Alcan, d'un intérêt particulier pour BHP Billiton? Charles Goodyear a refusé une identification aussi précise.

«Peu importe l'occasion d'achat, nous pouvons agir très rapidement, lorsque nous en avons bien compris les principaux enjeux. Cependant, nous n'agissons pas pour la seule considération de la taille de BHP Billiton», a commenté M. Goodyear.

Chez son rival Rio Tinto, la discrétion est demeurée de rigueur.

«Nous ne commentons pas les rumeurs du marché boursier», a simplement répondu Illtud Harri, porte-parole au siège social de Rio Tinto, à Londres.

N'empêche, BHP Tilliton et Rio Tinto sont deux conglomérats de ressources qui auraient aisément les moyens de se payer Alcan ou sa rivale Alcoa.

Selon une évaluation de la firme financière Merrill Lynch, de New York, ces deux géants ont chacun environ 45 milliards US en capacités financières disponibles pour des acquisitions. Et ce, sans trop alourdir leur bilan.

«Si BHP Billiton décide de franchir la porte d'entrée chez Alcan, ça pourrait être positif, financièrement, pour les deux entreprises combinées», estime pour sa part la firme de cotation financière Egan-Jones Ratings, de New York, dans une note distribuée à ses clients institutionnels.

Néanmoins, BHP Billiton et Rio Tinto ont la réputation de prédateurs patients pour des cibles d'acquisition, évitant d'être premier en file pour mieux se faufiler ensuite.

«Il y a souvent un avantage à ne pas être le premier à bouger lorsqu'on anticipe une bagarre d'offres», a récemment indiqué le chef de la direction de BHP Billiton, Charles Goodyear, au quotidien australien Sydney Morning Herald.