Québec veut serrer la vis aux conseils d'administration, qui seront davantage susceptibles d'être traînés devant les tribunaux.

Québec veut serrer la vis aux conseils d'administration, qui seront davantage susceptibles d'être traînés devant les tribunaux.

Le gouvernement Charest a déposé un projet de loi en ce sens le mois dernier à l'Assemblée nationale.

«Ce projet de loi va donner des recours aux investisseurs contre les dirigeants et les membres des conseils d'administration de sociétés qui ont donné des mauvaises informations au public, dit Jacques Delorme, porte-parole du ministère des Finances du Québec. Il obligera les compagnies à plus de rigueur lors du dévoilement de leurs résultats financiers, notamment en raison des pénalités élevées.»

Selon Me Julie-Martine Loranger, avocate spécialisée en matière de responsabilité des conseils d'administration chez Gowlings, les modifications proposées à la Loi sur les valeurs mobilières du Québec faciliteront les recours collectifs contre les conseils d'administration.

«Si le projet de loi est adopté, les gens pourront intenter plus facilement un recours collectif contre un conseil d'administration s'ils ont subi des dommages en raison de fausses informations ou de changements importants qui n'ont pas été divulgués, dit Me Loranger. Avant, ils devaient prouver que leur décision avait été basée spécifiquement sur ces fausses informations. C'était un gros obstacle pour intenter un recours collectif. Cette obligation n'existera plus si le projet de loi est adopté.»

Le projet de loi de la ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget, est inspiré d'une loi ontarienne en vigueur depuis deux ans.

«Ce projet de loi fait partie de nos travaux d'harmonisation avec les lois des autres provinces en matière de valeurs mobilières», dit Jacques Delorme, porte-parole du ministère des Finances du Québec.

Les tribunaux ontariens n'ont pas été submergés de recours collectifs contre des conseils d'administration après l'entrée en vigueur de la loi, en 2005.

«Il n'y a pas eu de hausse des recours collectifs parce que les marchés boursiers vont bien, dit Me Julie-Martine Loranger, avocate chez Gowlings. Tout le monde fait de l'argent. Il y aura plus de poursuites quand les marchés vont devenir houleux.»

Fini, les amis au CA

L'ambiance a bien changé au sein des conseils d'administration depuis les scandales financiers de WorldCom et d'Enron, survenus aux États-Unis au début des années 2000.

«Les conseils d'administration ne sont plus composés d'amis qui se nomment entre eux comme avant, dit Me Loranger. Ils sont composés de gens compétents, indépendants et qui prennent leur travail au sérieux. Ils n'ont pas le choix car ils s'exposent de plus en plus aux poursuites.»

Les actionnaires mécontents ne sont pas les seuls à vouloir traîner leur conseil d'administration devant les tribunaux. Plusieurs organismes de réglementation des valeurs mobilières ont pris la même approche.

«Ils tentent d'atteindre les gens à la tête de l'entreprise, dit Me Loranger. Cette pratique crée un effet dissuasif sur les autres conseils d'administration.»

Malgré leurs responsabilités envers les actionnaires de la société, les membres du conseil d'administration ne sont pas tenus à la perfection.

«Les tribunaux ne regardent pas si la décision qui a été prise était la meilleure, dit Me Loranger. Ils regardent si la décision était raisonnable. Le processus décisionnel est aussi important. Y a-t-il eu une analyse d'experts? Les membres du conseil ont-ils posé des questions? Ont-ils pris connaissance des avis qu'ils ont reçus?»

Les tribunaux sont toutefois de plus en plus cléments envers les conseils d'administration. L'an dernier, la Cour suprême du Delaware a statué en faveur des membres du conseil de Disney, qui avaient accordé une généreuse indemnité de départ à l'ex-PDG Michael Ovtiz malgré les règles de gouvernance en vigueur.

Au Canada, la Cour d'appel de l'Ontario a donné raison au conseil du fabricant de vêtements de cuir Danier, qui avait omis d'inscrire certaines informations financières dans un prospectus.

La Cour suprême du Canada a accepté de trancher la question une fois pour toutes. Elle devrait rendre son jugement d'ici la fin de l'année.