Dubai vit une transformation à vitesse grand V. Jadis fortement axée sur le pétrole, son économie se diversifie et affiche un époustouflant taux de croissance de 11,5% en 2006. Un boom dont profitent les quelque 6000 Canadiens présents dans cet émirat de la démesure.

Dubai vit une transformation à vitesse grand V. Jadis fortement axée sur le pétrole, son économie se diversifie et affiche un époustouflant taux de croissance de 11,5% en 2006. Un boom dont profitent les quelque 6000 Canadiens présents dans cet émirat de la démesure.

À son ouverture l'an prochain, Dubai Mall sera non seulement le plus vaste centre commercial de la planète, mais il comptera aussi le plus gros aquarium jamais construit.

Un immense réceptacle de verre et d'acier, grouillant de 40 000 poissons de dizaines d'espèces différentes... et de 45 requins ! Autant de créatures qui s'entredévoreront joyeusement chaque jour.

«C'est un processus naturel de la vie marine, nous le reproduisons tel quel», lance Frederick Douglas, responsable de la location au Dubai Mall.

Le «processus naturel» sera respecté à la lettre, à cette exception près: ce sont des employés qui remplaceront chaque jour les centaines de poissons disparus, histoire de toujours offrir la vision d'un aquarium bien garni aux visiteurs du centre commercial.

Ainsi vont les projets à Dubaï. Ils sont plus gros que nature, souvent extravagants et fantaisistes. Et ce ne sont certainement les contraintes du milieu ambiant, comme l'absence complète d'eau douce, l'omniprésence du désert ou les aléas de la chaîne alimentaire marine, qui vont empêcher les promoteurs d'aller de l'avant avec leurs idées d'envergure.

Le petit émirat, deuxième en importance des Émirats arabes unis, regorge de projets «contre-nature». Il fait au-dessus de 40 degrés Celsius pendant la majeure partie de l'année et la neige n'est qu'un vague fantasme ?

Pas de problème: construisons un centre de ski intérieur. Manque de plages? Créons de toutes pièces des îles artificielles qui ajouteront des dizaines de kilomètres de rivage, et tant qu'à faire, donnons-leur la forme de palmiers géants.

«Ici, c'est complètement surréaliste. Quand tu regardes les annonces, tout est toujours le plus gros, le plus cher, le meilleur», dit Louis Michel Doyon, un ancien agent immobilier de Montréal devenu il y a quelque mois directeur des ventes et du marketing d'une société de Dubaï.

Les projets fantaisistes ont contribué à mettre Dubaï sur la carte ces dernières années. Ils constituent une belle façade, clinquante et futuriste, derrière laquelle se cache toutefois une économie de plus en plus ouverte et diversifiée, en pleine transition vers «l'après-pétrole».

Et en pleine explosion, avec un taux de croissance de 11,5 % en 2006. Plus que la Chine.

Dubaï est un vaste chantier qui s'étend à perte de vue. Dès qu'on quitte Deira ou Bur Dubai, les deux quartiers qui forment la vieille ville, pour se diriger vers les nouveaux secteurs en vogue, on ne peut qu'être frappé par le nombre incalculable de grues, qui s'activent 24 heures sur 24.

Un peu partout, des gratte-ciels géants et des quartiers entiers comptant des centaines de villas sortent du sable à une vitesse fulgurante.

«Il y a trente mois, il n'y avait rien, rien ici», dit le Québécois Marc O'Connor, directeur de projet pour SNC-Lavalin (très active aux EAU), en pointant «Dubai Marina», un ensemble gigantesque d'une centaine de tours qui ressemble de loin à un véritable petit Manhattan.

L'homme est visiblement exalté par toute cette activité. «Je suis directeur de projet, alors ici à Dubaï, je suis comme un boulanger dans sa pâtisserie. C'est le paradis: tous les projets inimaginables sont en chantier à quelque part!»

Avec 2,2 millions de mètres carrés d'espaces commerciaux et de bureaux en construction, Dubaï constitue le deuxième marché immobilier le plus actif au monde, tout juste derrière Moscou, selon une étude récente de la firme Colliers International. Et cela ne tient même pas compte des très nombreux projets résidentiels et hôteliers en chantier.

Les infrastructures aussi se développent à la vitesse grand V. Les autorités n'en finissent plus de construire de nouvelles routes et d'élargir les autoroutes existantes, ce qui ne suffit pas à endiguer le problème criant de la congestion routière. Parlez-en à n'importe quel chauffeur de taxi, il vous dira qu'il vit l'enfer depuis trois ans, moment où le boom a vraiment commencé.

«C'est amusant, parce qu'à chaque fois que tu penses savoir où tu t'en vas, les routes changent à cause des constructions. C'est pour cela qu'aucune carte n'est à jour», dit Ivonne Martinez, spécialisée dans la relocalisation d'expatriés à Dubaï, quelque peu égarée au volant de sa petite Peugeot.

L'Albertaine, qu'on dirait tout droit sortie de la série Desperate Housewives, ne manque pas de boulot : les Occidentaux sont nombreux ces jours-ci à venir s'installer à Dubaï.

Très nombreux. En fait, les «expats» forment quelque 80 % des 1,5 million habitants de l'émirat, qui compte 6000 Canadiens. On en vient souvent à oublier que le pays est terre d'islam.

Travailleurs et entrepreneurs de partout dans le monde viennent ici dans l'espoir d'être en plein coeur de l'action – et d'empocher de gros dollars. «Le rêve émirati est possible : si tu travailles fort, tu peux te retrouver président d'une compagnie en dedans de douze ans», affirme Jacques Morin, cuisinier et homme d'affaires québécois installé depuis trois ans à Dubaï.

L'homme sait de quoi il parle. «Le meilleur exemple, c'est mon patron, un Indien. Il est arrivé ici il y a douze ans et maintenant il est à la tête d'un holding. Il est gérant général d'une grosse compagnie de métaux qui vend partout dans le monde.»

Les espoirs des néo-Dubaïotes sont immenses, à la hauteur du Burj Dubai, qui sera le plus haut gratte-ciel de la planète une fois terminé avec ses quelque 180 étages. Jacques Morin rêve d'ouvrir à Dubaï une deuxième succursale de Barry's Bench, restaurant mexicain dans lequel il détient des parts, en plus de lancer diverses autres franchises.

De son côté, Louis-Michel Doyon se frotte déjà les mains en pensant à la commission qu'il pourrait empocher si son projet se réalise. Le Québécois représente à Dubaï la société Lindal, de Seattle, qui fabrique des maisons préfabriquées en cèdre.

Il est en plein pourparlers avec le géant immobilier Nakheel, qui a conçu les excentriques îles en forme de palmiers et le projet The World – un ensemble d'îles artificielles qui reproduira la terre vue du ciel une fois terminé.

Si les négociations se déroulent comme il l'espère, M. Doyon pourrait permettre à Lindal de vendre quelque 1300 maisons à Nakheel, des résidences sur pilotis qui seront installées au bout de chaque «feuille» du Palm Jebel Ali. Une mine d'or en perspective dans une ville où les prix de l'immobilier grimpent continuellement.

«Pour faire fortune ici, il faut que tu sois payé à la commission», estime Louis-Michel Doyon, qui espère évidemment connaître ce destin.

Certains deviendront riches à Dubaï, plusieurs non. De toute façon, les regards ont déjà commencé à se déplacer un peu plus à l'ouest, vers l'émirat voisin d'Abu Dhabi, vers Barheïn et vers le Qatar, des régions immensément riches en pétrole qui ambitionnent de répéter le développement accéléré de Dubaï (dont le taux de croissance diminuera en 2007).

Le boom du golfe est loin d'être terminé.

La suite de ce dossier sur Dubai dans la Presse de samedi...