Un groupe de présumés fraudeurs, déjà épinglés et poursuivis par l'Autorité des marchés financiers (AMF), se voient maintenant rattrapés par le fisc, qui revient à la charge avec des amendes considérables.

Revenu Québec a annoncé lundi avoir déposé 56 chefs d'accusation et réclamé un total de près de 17,5 millions de dollars d'amende visant les sociétés Fondation Agroterre et Foncière Agroterre ainsi que leurs administrateurs Daniel Duval, Jean-Claude Sénécal et Hermande Cyr de même qu'un facilitateur, Luc Vallée.

Ils sont accusés d'avoir aidé leurs clients à faire des fausses déclarations d'impôt, notamment en réclamant des crédits d'impôt auxquels ils n'avaient pas droit, infractions commises entre 2010 et 2013 dans la plupart des cas.

«Nous avons réalisé que certaines personnes et les sociétés auraient tenté d'aider des contribuables à obtenir des crédits d'impôt pour dons de charité, par le biais d'un stratagème de dons par emprunt», a expliqué la porte-parole de Revenu Québec, Genevière Laurier.

Ce stratagème consistait à offrir au client un prêt, lui remettre une note de crédit et prendre l'argent pour effectuer de présumés dons de charité par l'entremise de la Fondation Agroterre, ce qui permettait au client d'obtenir un remboursement d'impôt important.

Les intimés ont tous plaidé non coupables dans les dernières semaines et seront de retour au palais de justice de Montréal le 18 novembre prochain pour la suite des procédures.

«C'est grâce aux informations de l'AMF que nous avons pu procéder à une enquête et faire des perquisitions pour finalement déposer les accusations» a précisé Mme Laurier, soulignant avec satisfaction la collaboration entre les divers acteurs en matière de lutte contre la criminalité économique.

En avril dernier, l'AMF intentait en effet des poursuites contre trois de ces individus, soit MM. Duval, Sénécal et Vallée ainsi que sept autres personnes pour l'exercice illégal de l'activité de conseiller en dérivés et en valeurs et pour avoir effectué des placements sans prospectus. Daniel Duval et Jean-Claude Sénécal, considérés comme les têtes dirigeantes, sont également accusés de fraude.

«Nous avons déposé des accusations pénales et, dans les prochaines semaines, il y a quatre procès à fixer dans ce dossier», a indiqué le porte-parole de l'AMF, Sylvain Théberge.

Toujours dans le même dossier, le Bureau de décision et de révision (BDR) de l'AMF ordonnait, en décembre dernier, une interdiction d'activités de courtage des accusés Sénécal, Duval et Vallée et ordonnait un blocage des activités et comptes non seulement de Fondation Agroterre et Foncière Agroterre, mais aussi de Fondation Internationale CDS, Geskon Management Group inc., Association Citoyenne et Solidaire Agroterre et Strategik Management Group, de même que la fermeture des sites Web de ces organisations.

«L'idée est de s'assurer que, s'il y a de l'argent ou non, il n'y ait plus aucune espèce de forme de transfert ou de dilapidation qui puisse se faire en attendant que l'enquête et les procédures aboutissent», a expliqué Sylvain Théberge.

«Si, en fin de compte, il y a démonstration d'illégalité, ces gens-là n'auront pas pu prendre cet argent pour le mettre à l'abri ailleurs dans le monde», a-t-il précisé.

Les autres personnes accusées par l'AMF ne sont pas visées par le fisc, mais rien ne garantit que cette position ne sera pas modifiée: «Ce sont les infractions que nous avons notées pour le moment, mais pour le reste, on se garde une marge de manoeuvre pour d'autres démarches d'enquête. On préfère ne pas commenter davantage ou exposer trop d'éléments de preuve pour le moment», s'est contentée d'indiquer Mme Laurier.

Quant aux clients qui ont participé au stratagème et qui ont mis la main sur des remboursements d'impôt auxquels ils n'avaient pas droit, les documents de l'AMF démontrent que plusieurs ont tout de même déboursé des sommes pour obtenir les prêts et remboursé des intérêts avant terme, alors que d'autres ont fait eux-mêmes des investissements et ont pratiquement tout perdu.

Les fraudes - et, conséquemment, les pertes des clients - s'élèvent à 500 000 $ selon l'Autorité des marchés financiers et il serait étonnant de retrouver quelque client que ce soit sur le stand des accusés, selon M. Théberge.

«Pour nous, les investisseurs sont vus d'abord comme des victimes. Est-ce que certains étaient consentants ou voyaient très bien le fond de l'affaire? Peut-être, mais ces gens-là ont perdu de l'argent ultimement.»