Québec veut donner un coup de frein à ses dépenses de rémunération. Il annonce un gel global des effectifs des secteurs public et parapublic pour les deux prochaines années afin d'économiser 600 millions de dollars. Et il lance un avertissement au front commun syndical en prévision du renouvellement des conventions collectives.

En 2014-2015, les dépenses de rémunération s'élèveront à 38,8 milliards, soit 59% des dépenses de programmes. «On ne peut faire un tel effort de compression» comme celui prévu au budget sans se pencher sur cette facture, a soutenu le ministre des Finances, Carlos Leitao.

Les dépenses en rémunération ont bondi de 4% par année en moyenne depuis 2010. Or, les dépenses de programmes des ministères ont augmenté de seulement 2,1% durant la même période.

La hausse des dépenses de rémunération s'explique non seulement par les augmentations salariales prévues aux conventions collectives et la progression dans les échelles salariales, mais aussi par l'embauche de nouveaux employés. En moyenne, depuis 2010, 6250 employés ont grossi les rangs de l'État chaque année. Ces ajouts ont fait bondir de 1,5% par an les dépenses de rémunération.

Un outil très puissant

En vue d'atteindre l'équilibre budgétaire l'an prochain, le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, a décidé de geler les effectifs des secteurs public et parapublic pour deux ans. «C'est un outil très puissant pour être capable de contrôler l'augmentation de la rémunération», a indiqué son collègue Carlos Leitao. L'opération lui permettra d'économiser 100 millions cette année et 500 millions l'an prochain.

Environ 15 000 employés de l'État vont prendre leur retraite chaque année d'ici 2018-2019. Québec envisage de ne pas remplacer des postes administratifs pour les réaffecter dans les «services directs à la population».

Le nombre d'employés de la fonction publique et des réseaux de la santé et de l'éducation sera donc maintenu globalement à environ 430 000. «Environ», parce que les plus récentes données du Conseil du trésor datent de deux ans. Et ce nombre ne comprend pas les employés de certains organismes comme l'Agence du revenu, ceux des sociétés d'État, les médecins et autres professionnels de la santé.

«Sauf en ce qui concerne les employés de la fonction publique, qui représentent moins de 15% des employés de l'État, le gouvernement a actuellement peu de pouvoir pour planifier et suivre l'évolution des effectifs de plusieurs organismes publics, dont ceux des réseaux de la santé et de l'éducation», souligne le budget Leitao.

Les choses vont changer: Québec entend prendre le plein contrôle. Il déposera à l'automne un projet de loi pour mieux encadrer l'évolution des effectifs. Cette loi établira des règles pour le remplacement des départs à la retraite, la réaffectation des postes vacants et la limitation du recours aux contrats de services, entre autres.

Négociations

Les négociations s'annoncent corsées avec les employés de l'État, dont les conventions collectives seront échues le 31 mars prochain. Québec prévient que ses «engagements financiers» pour le renouvellement des conventions devront tenir compte non seulement des hausses salariales, mais aussi du coût de l'équité salariale, des régimes de retraite et de la progression dans les échelles salariales, par exemple. «La hausse annuelle des dépenses de rémunération devra demeurer compatible avec la cible de croissance des dépenses de programmes», de 2,1% en moyenne entre 2015-2016 et 2018-2019. En clair, on est très loin de la hausse salariale de 13,5% en trois ans demandée par le front commun syndical.

Comme il l'avait signalé à La Presse, Martin Coiteux veut lier les hausses de salaire à une hausse de la productivité. «Les augmentations salariales pourraient être bonifiées dans la mesure où des gains d'efficience dans la prestation des services publics seraient dégagés. Par exemple, ces gains pourraient être mesurés par la taille des effectifs», précise le budget. Québec signale également que «les ententes devront tenir compte de l'importance de préserver les services publics et de la capacité de payer des contribuables».

Pour le président de la CSN, Jacques Létourneau, «c'est clair que ça va être des négociations très compliquées». «Il va y avoir une bataille de l'opinion publique» entre le gouvernement et les syndicats au cours des prochains mois, a-t-il ajouté.