Les partisans des hausses d'impôt salées proposées en septembre par le gouvernement péquiste invoquaient souvent la part grandissante de la richesse collective accaparée par les plus riches.

Finalement, la hausse d'impôt décrétée mardi ne cible pas seulement les contribuables qui s'enrichissent plus vite que la moyenne de la société. Pour ce faire, il aurait fallu que le nouveau taux marginal vise les revenus plus élevés que 100 000$ ou même 130 000$, selon deux études canadiennes sur le sujet.

«Les gens qui nient l'augmentation de l'inégalité rappellent parfois que les 10% plus riches n'ont pas augmenté leur part de la richesse collective», explique Nicolas Zorn, qui fait sa maîtrise en économie politique et vient de publier une étude sur le «1% québécois» dans les «Notes de recherche de l'Institut de recherche en économie contemporaine».

«Mais quand on y regarde bien, c'est seulement le 1% qui s'enrichit plus vite, ajoute-t-il. Le groupe qui va du 90e au 95e centile et celui du 95e au 99e centile n'a pas augmenté sa part des revenus totaux.»

L'étude de M. Zorn estime que le seuil du 1% québécois était de 160 000$ en 2009. Une autre étude publiée en 2010 par l'économiste Mike Veall, de l'Université McMaster, en Ontario, calculait un seuil de 138 000$ pour 2007.

Un petit groupe

L'étude de M. Veall laisse même entrevoir la possibilité que l'enrichissement disproportionné soit le fait d'un groupe encore plus réduit de contribuables. Au Canada, les 0,01% plus riches (environ 2000 personnes) ont augmenté de 360% leur part de la richesse collective entre 1980 et 2007, comparativement à 230% pour les 0,1% plus riches et 36% pour les 1% plus riches.

Ces travaux font partie d'un effort international d'économistes favorables aux hausses d'impôt, dont les têtes de proue sont Thomas Piketty, de l'École d'économie de Paris, et Emmanuel Saez, de l'Université Berkeley. Ces derniers ont même soutenu que les taux d'imposition supérieurs pourraient atteindre 70% sans que cela ne décourage les riches de travailler.

Des critiques ont cependant relevé que ce calcul ne tenait pas compte de la possibilité que les riches soient plus susceptibles que la moyenne de déménager dans un autre pays pour augmenter leurs revenus, ou de moins travailler.

M. Veall a d'ailleurs conclu que l'augmentation de l'inégalité au Canada est essentiellement due à l'attrait des hauts salaires aux États-Unis. Cela explique selon lui pourquoi l'inégalité est moins grande au Québec, les riches francophones tenant souvent à vivre en français.

Enrayer la croissance de l'inégalité est toutefois une nécessité à long terme, selon M. Zorn.

«Plus il y a des inégalités, plus il y a une classe de gens très riches qui transmettent cette richesse à leurs enfants. Ça crée des rentes. Au niveau économique, ce n'est pas efficace.»