Québec haussera les taxes sur l'alcool et le tabac et dégèlera des tarifs d'Hydro.

Les mêmes cibles, mais par des chemins différents. Le gouvernement Marois a déposé mardi un budget qui garde le cap sur l'équilibre budgétaire pour 2013-2014 et qui continue de réduire le poids de la dette sur l'économie.

Pour renflouer ses coffres et atteindre le déficit zéro, Québec fait appel à des sources de revenus mises de côté depuis longtemps, comme la hausse des taxes sur l'alcool et le tabac. On dégèle également les tarifs du «bloc patrimonial» d'Hydro-Québec, on met les ministères au régime et on freine les projets d'immobilisations qui ne sont pas encore en chantier.

Le ministre Marceau, qui a qualifié son budget d'«équilibré», est convaincu que celui-ci ne serait pas battu à l'Assemblée nationale. D'entrée de jeu, le libéral Raymond Bachand a prévenu qu'il allait voter contre ce budget «décevant» - mais il n'est pas question de défaire le gouvernement 100 jours après les élections. En revanche, pour François Legault, chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), «pas question de danser avec quelqu'un qui a les mains sales». Selon lui, ce budget ne répond pas aux attentes et ses 19 députés seront en Chambre

pour voter contre.

Québec a par ailleurs décrété depuis minuit mardi une augmentation de 4$ du prix de la cartouche de 200 cigarettes - ce qui réduit d'un coup de moitié la différence avec l'Ontario. Il s'agit d'un pari risqué, puisqu'on n'avait pas augmenté les droits sur le tabac depuis 2003, par crainte d'une flambée de la contrebande. Quant à l'alcool, on n'y avait pas touché depuis 15 ans. Depuis la fermeture des bars, la nuit dernière, la bouteille de bière a augmenté de 3 cents et la bouteille de vin de 17 cents. La hausse touchant le tabac fera entrer 130 millions par année dans les coffres, alors que celle sur l'alcool fournira 100 millions.

En dépit des promesses électorales du Parti québécois (PQ), le gouvernement dégèle les tarifs d'électricité du «bloc patrimonial» d'Hydro-Québec. On remplace toutefois la hausse de 1 cent le kilowattheure annoncée par le gouvernement Charest par une indexation des tarifs à l'inflation, à compter de 2014. L'augmentation est ramenée à environ 120$.

Les activités physiques et culturelles encouragées

Austérité oblige, il n'y aura pas de saupoudrage. Une exception, toutefois: un nouveau crédit d'impôt pour les activités physiques ou culturelles des enfants de 5 à 16 ans. On remboursera un maximum de 100$ par année pour des dépenses de 500$. L'économiste qu'est Nicolas Marceau voulait également fouetter l'investissement. Il frappe un grand coup, qui ne lui coûte rien: il accordera un congé d'impôts de 10 ans aux nouveaux investissements de plus de 300 millions.

Quant aux institutions financières, elles seront davantage taxées - 80 millions pour 2013-2014, 211 millions l'année suivante.

On modifie la «contribution santé» du gouvernement Charest, sans l'abolir. Pour conserver les revenus de 1 milliard qui proviennent de cette taxe, tous ceux qui gagnent annuellement de 42 000$ à 130 000$ payeront encore 200$, mais les contribuables dont le revenu est de 18 000$ et moins en seront exemptés. Il faudra néanmoins aller chercher 325 millions de plus chez les contribuables à revenu élevé; ainsi, pour l'excédent de 100 000$ par année, le taux d'imposition sera augmenté de 1,75%.

Engagement mis de côté: on conserve le Fonds des générations, une puissante mesure incitative pour s'occuper de la dette. On y puisera 1 milliard pour réduire la dette, qui atteint 190 milliards. À l'avenir, on aiguillera vers cette enveloppe la totalité des redevances minières, soit 325 millions par année. À compter de 2014, on y versera les 100 millions tirés de la taxe sur l'alcool et les recettes provenant du dégel des tarifs d'Hydro-Québec. Cette cagnotte recevra 1 milliard pour la prochaine année, 1,3 milliard en 2014-2015 et le double l'année suivante. Le fonds obtiendra aussi les 215 millions économisés grâce à la fermeture de la centrale Gentilly-2. Pour effacer la coûteuse radiation d'actif - plus de 1,8 milliard -, le gouvernement se contentera de modifier la loi sur l'équilibre budgétaire.

Coupes de postes à Hydro-Québec

À la recherche d'économies, Québec demandera annuellement des efforts de 290 millions aux sociétés d'État. Le dividende de Loto-Québec diminue, mais on lui donnera plus de latitude pour répartir ses 12 000 appareils de loterie vidéo. Hydro-Québec est visée au premier chef: d'ici la fin de 2013, on lui demande d'éliminer par attrition plus de 2000 postes. De plus, tel que promis en campagne électorale, on permettra au Vérificateur général d'entrer dans ces sociétés, comme s'il s'agissait de ministères.

Autre économie: le ministre Marceau annule des avantages fiscaux prévus par le budget Bachand pour que les personnes de plus de 65 ans restent au travail, ce qui représente une économie de 68 millions pour 2013-2014. On revient aussi à la charge sur la lutte contre l'évasion fiscale: Revenu Québec devra trouver chaque année 90 millions de fraudes.

Pour économiser annuellement 150 millions, on abolit également la règle selon laquelle Québec s'engageait à payer le prix d'un médicament breveté pendant 15 ans, même si un équivalent générique existe.

Québec table par ailleurs sur une croissance constante de l'économie: on prévoit 1,5% pour 2013-2014 et 2% l'année suivante. Cette année, la croissance n'aura été que de 0,9%, ce qui représente un manque à gagner de 500 millions.

Québec limitera aussi les dépenses d'immobilisations. Une compression annuelle moyenne de 1,5 milliard est visée - on réduira ainsi la facture à 9,5 milliards. On avait atteint 12 milliards cette année. Les projets amorcés seront terminés, mais tous ceux qui ne sont pas déjà en chantier seront réexaminés.

Dans l'ensemble, pour 2012-2013, on limite à 1,9% la croissance des dépenses des ministères. On réduira à 1,8% l'année suivante, le taux le plus bas en 15 ans. La santé conservera toutefois une croissance de 4,8%, une exception. L'éducation sera à 1,8% et l'enseignement supérieur, à 2%. La culture conserve ses acquis, à 2,1%. Mais pour l'ensemble des autres ministères, on s'attend pour l'an prochain à une diminution de 122 millions des dépenses, ce qui représente une réduction de 0,9%.