La directrice du Fonds monétaire international Christine Lagarde s'est attiré les foudres des Grecs, qui se disent «humiliés» par ses propos sur le paiement des impôts, mais aussi les critiques de Paris qui a qualifié sa vision d'«un peu caricaturale et schématique».

Mme Lagarde a mis le feu aux poudres en estimant dans une interview au quotidien britannique Guardian que «les Grecs devraient commencer par s'entraider collectivement», et ce, en «payant tous leurs impôts», et se dit moins préoccupée par leur sort que par celui des enfants d'Afrique.

«Il y a une crise humanitaire en Grèce, très coûteuse, au cas où vous ne le sauriez pas. C'est vraiment une honte!», commentait dimanche une internaute, Despina Panagiotopoulou, sur la page Facebook de la patronne du FMI.

Samedi soir, devant le tollé généré par ses propos, Mme Lagarde s'est montrée plus conciliante, se disant «très compatissante à l'égard des Grecs et les défis qu'ils relèvent». Les propos de Mme Lagarde avaient suscité dimanche plus de 9 800 commentaires sur sa page Facebook.

«Une part importante de cet effort est que tout le monde devrait porter équitablement sa part du fardeau, en particulier les plus privilégiés et en particulier en payant leurs taxes», a-t-elle écrit.

«Peu importe ce que vous dites maintenant, après toutes ces critiques. Savez-vous les dégâts que vous avez causés au peuple grec? demande Thanasis Athanasopoulos. «Nous ne sont pas fainéants et nous ne sommes pas des mendiants».

«Merci pour votre amour et votre soutien et sachez que les Grecs ne sont pas stupides. Nous connaissons votre jeu et nous n'allons plus l'autoriser!» assure Elena Papoutsi. «Le 17 juin les Grecs vont répondre aux usuriers du monde entier qui exploitent notre pays», prévient de son côté Eleftheria.

Le chef du parti socialiste Pasok, Evangélos Vénizélos, après avoir estimé que les propos de Mme Lagarde avaient «humilié» et «insulté» les Grecs, s'est réjoui qu'elle ait rectifié le tir, car «cela signifie qu'elle a pris en compte une nation fière».

Alexis Tsipras, chef du parti de la gauche radicale Syriza propulsé en 2e position lors des législatives du 6 mai, a lancé à Mme Lagarde que les Grecs ne cherchaient pas sa «sympathie» et que «les travailleurs grecs paient leurs impôts» qui sont très lourds et même «insupportables».

Le parti, donné selon les derniers sondages en seconde position derrière les conservateurs de Nouvelle-Démocratie (ND) le 17 juin, prône l'annulation des mesures de rigueur prévues par le plan de redressement imposé par l'UE et le FMI en échange des prêts accordés à Athènes jusqu'en 2014.

Pour sa part, le gouvernement français, dont beaucoup de Grecs attendent qu'il fasse fléchir la politique de rigueur allemande, a critiqué la vision «un peu caricaturale et schématique» de Mme Lagarde, estimant qu'«il n'y a pas de leçon à donner» à la Grèce.

La présidente du patronat Laurence Parisot a estimé de son côté que s'adresser comme Christine Lagarde l'a fait, non seulement ne servait à rien, mais pouvait avoir «des effets très dangereux».

Auparavant, le tribun de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, avait dénoncé des propos «indignes» de Mme Lagarde, appelant les armateurs et l'Église orthodoxe à payer leurs impôts.

Les législatives du 17 juin en Grèce sont attendues avec fébrilité à l'international.

Face au risque d'un rejet du plan d'austérité qui conduirait in fine à une probable sortie de l'euro, les bailleurs de fonds internationaux restent fermes, à l'image du ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble qui martèle à l'envi qu'Athènes doit «tenir ses engagements» pour rester dans l'euro.

En Grèce, les mêmes arguments sont utilisés pour discréditer Syriza, alors que le pays risque d'être à court de liquidités d'ici fin juin si les aides financières sont coupées en cas de rejet du plan d'aide international par les électeurs le 17 juin, a prévenu l'ex-premier ministre grec, selon un mémo paru dans la presse dimanche.

M. Vénizélos plaidait dimanche pour garder la monnaie commune, et la veille, Antonis Samaras, le chef de la ND, estimait que s'opposer au plan de redressement conduirait la Grèce hors de l'euro et constituerait une «véritable catastrophe» pour le pays.

Mi-mars, la Task force européenne pour la Grèce notait que le pays avait fait des progrès «prometteurs» sur la perception de 8 milliards d'arriérés d'impôts recensés, avec 946 millions collectés en 2011. Mais elle soulignait qu'en matière de fiscalité, des progrès devaient encore être faits, notamment dans la lutte contre l'évasion fiscale des riches contribuables et des grandes entreprises.