Dans l'affaire Mount Real, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a été obligée de s'en remettre à un puissant logiciel de recherche pour décortiquer la montagne de documents saisis ces dernières années.

Hier, le témoignage du juricomptable Michel Hébert a permis au tribunal de juger de l'ampleur de la preuve dans cette affaire, qui a fait perdre 130 millions de dollars à 1600 investisseurs. Le comptable, prêté à l'AMF par la firme Navigant, a livré son témoignage dans le contexte d'une requête du PDG de Mount Real, Lino P. Matteo.

Matteo, qui est passible d'au moins cinq ans de prison, était présent à la cour hier. Il a demandé au tribunal d'obliger l'AMF à mieux organiser les documents de preuve qui lui ont été remis. Il estime que certains des milliers de documents ne sont pas pertinents et demande que l'organisme fasse un meilleur tri pour lui faciliter la tâche.

Entre 2005 et 2009, 384 boîtes de documents et des dizaines de disques durs et de cédéroms ont été saisis dans les locaux de l'organisation, notamment au 2500, rue Allard, à Montréal, siège social de Mount Real. Les supports électroniques contenaient 2,2 millions de fichiers, qu'il a fallu classer et organiser pour en faciliter la consultation. Les documents papier ont été numérisés.

«On a eu énormément, énormément de documents à consulter», a expliqué M. Hébert à la juge Hélène Morin. M. Hébert a travaillé pendant quatre ans à temps plein sur le dossier.

Pour faire le tri, l'AMF a eu recours à la firme H&A. La firme a opté pour un logiciel de recherche par mots clés, avec des opérateurs booléens. Elle a également classé les milliers de courriels échangés entre les dirigeants de Mount Real, en plus d'extraire des disques durs les documents supprimés qui avaient laissé des traces.

Le logiciel eExamine de H&A est consultable par internet pour ceux qui un un accès sécurisé. Depuis février 2010, les défendeurs Lino Matteo, Andris Spura et Joseph Pettinicchio peuvent accéder aux sections qui les concernent, selon M. Hébert. Une formation a même été offerte aux défendeurs ou à leurs avocats, aux frais de l'AMF, pour les aider à cheminer dans ce spaghetti de fichiers.

Hier, Lino Matteo a demandé l'assistance d'un interprète pour traduire en anglais les propos de Michel Hébert. En contre-interrogatoire, ses questions à Michel Hébert ont d'ailleurs porté sur la langue utilisée pour le classement des fichiers dans le logiciel eExamine et sur la langue des rapports d'enquête et d'expertise. Michel Hébert a indiqué que le français était la principale langue utilisée, bien que les documents saisis ont été reproduits dans leur langue d'origine, souvent l'anglais.

Matteo, en complet gris, est demeuré calme et poli durant les audiences, ne montrant aucun signe de nervosité. Un des avocats des défendeurs a fait admettre à Michel Hébert que le moteur de recherche de eExamine ne permettait pas de retracer les documents numérisés qui étaient écrits à la main. L'avocat de l'AMF lui a par ailleurs fait préciser que Lino Matteo a obtenu une copie intégrale de son ordinateur personnel saisi sur place, copie qui a aussi été offerte aux autres défendeurs.

La juge devra maintenant décider si elle accède ou non à la requête de Matteo. Rappelons que le financier est également accusé au criminel, dans l'affaire Cinar, d'avoir maquillé les états financiers d'un groupe des Bahamas.