Les 9200 investisseurs floués de Norbourg recevront finalement la totalité des quelque 115 millions $ qu'ils ont perdus à la suite de la fraude de Vincent Lacroix, l'ex-pdg de la société.

Chronologie de l'affaire Norbourg

Norbourg : lourd sur la conscience

Une entente de principe est intervenue en marge d'un des recours collectifs intentés par les victimes contre divers acteurs au dossier, un dénouement qui a été accueilli avec soulagement mercredi par Michel Vézina, l'un des deux réquérants au recours collectif.

«Je suis prêt à tourner la page et partir dans un monde nouveau, faire autre chose que de me stresser et me créer toutes sortes de problèmes inutiles (comme ceux) qu'on a vécus au cours des cinq dernières années. Je suis prêt à effacer tout ce qui s'appelle Norbourg dans ma mémoire, dans mes papiers - lorsque j'aurai mon chèque! - et, à ce moment, repartir en neuf.»

En vertu de cette entente, les investisseurs de Norbourg recevront, à titre de règlement d'un recours collectif, 55 millions $ de la part de l'Autorité des marchés financiers (AMF), des bureaux de comptables KPMG et Beaulieu Deschambault, du gardien de valeurs The Northern Trust et de la société de fiducie Concentra.

Les 55 millions $ prévus dans l'entente s'ajoutent aux sommes déjà versées par le Fonds d'indemnisation des services financiers de l'AMF, de même qu'aux montants récupérés par les syndics de faillite, par le liquidateur et par Revenu Québec, ce qui portera à environ 115 millions $ la somme retournée aux investisseurs.

L'avocat des victimes, Jacques Larochelle, a cependant précisé que la récolte de ces derniers montants n'est pas encore finalisée, de sorte que la totalité du remboursement pourrait s'étendre au-delà du versement des 55 millions $. Ce versement pourrait survenir dès ce printemps: l'entente de principe doit d'abord être approuvée par la Cour supérieure.

Les parties visées ont toutefois précisé dans un communiqué qu'elles n'admettaient aucune responsabilité dans la fraude de 130 millions $ orchestrée par Vincent Lacroix.

«Les défendeurs ne veulent surtout pas que le geste de paiement qu'ils font soit interprété comme une reconnaissance de leur responsabilité, a expliqué Me Larochelle. Ils disent: «nous payons, soit, mais nous ne payons pas parce que nous reconnaissons notre responsabilité, nous payons pour éviter les embarras, les incertitudes, les longueurs et les coûts d'un procès interminable'.»

C'est donc dire que la part de responsabilité des acteurs en périphérie de Vincent Lacroix et de Norbourg ne sera jamais déterminée, du moins en termes juridiques.

L'entente a permis d'éviter un procès pour lequel on avait prévu 16 mois et 138 jours d'audiences. Elle a quand même nécessité de longues négociations, amorcées en juin dernier, qui se sont avérées particulièrement difficiles par moments, de l'aveu même de Me Larochelle. «Ce qui est difficile, lorsqu'on est rendu à un montant qui est intéressant, c'est de dire non et exiger davantage. Ça, c'est déchirant.»

Une telle situation, a-t-il expliqué, implique que le client fasse le pari de refuser un règlement fort intéressant dans l'espoir d'obtenir davantage tout en risquant un échec des négociations qui se traduirait par un procès dans lequel les victimes auraient pu tout perdre.

Le deuxième requérant au recours collectif, le docteur Wilhelm Pellemans, a d'ailleurs - chose assez rare en la matière - remercié ses adversaires. «Ces gens-là n'étaient pas les responsables directs des gros problèmes qui ont été vécus. Ils se sont mis ensemble et ont décidé de travailler fort (...) et je crois que nous devons aujourd'hui les remercier de cet effort.»

Les requérants ont aussi fait leur bout de chemin: au-delà de l'argent investi, ils réclamaient la valeur ajoutée que devait avoir acquis leur portefeuille (entre 10 et 12 pour cent) et les éventuels intérêts accumulés entre 2005, lorsque le scandale a éclaté, et le moment d'un jugement (5 à 8 pour cent par année).

M. Pellemans a ajouté avoir tiré une leçon claire de toute cette affaire: «Lorsque vous êtes investisseur, à qui devez-vous faire confiance? Nous nous sommes aperçus que ce n'était pas si simple de faire confiance à qui que ce soit (...) Est-ce qu'on pourrait peut-être se doter d'un système où c'est moins facile d'aller voler des gens qui, de bonne foi, confient leur argent à des individus ou des organisations?»

Les victimes n'auront pas à s'inscrire, à moins qu'un changement de leurs coordonnées soit survenu au cours des cinq dernières années. La distribution sera assurée par le firme Ernst & Young, et son coût sera assumé par l'AMF en sus de l'indemnité.

Seule l'AMF a dévoilé la part qu'elle assumerait dans le versement, soit une somme de 20 millions $. Son porte-parole, Sylvain Théberge, a dit croire qu'il s'agissait du meilleur dénouement possible dans les circonstances.

«En bout de ligne, toutes les parties ont manifesté un intérêt marqué pour en arriver à un règlement, éviter surtout un procès long, coûteux et aux conclusions incertaines, en ce sens qu'il aurait pu y avoir une série d'appels qui auraient d'autant retardé le dénouement de ce dossier, qui a déjà duré trop longtemps.

«Donc, c'est une belle journée aujourd'hui, une très bonne journée pour les investisseurs et nous sommes très satisfaits», a poursuivi M. Théberge.

L'entente prévoit aussi que les requérants abandonnent tous les autres recours collectifs, incluant celui intenté contre la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Le directeur des communications de la Caisse, Maxime Chagnon, n'a pas caché sa satisfaction devant la tournure des événements. «Nous sommes très heureux que les différentes parties en soient venues à une entente satisfaisante pour tous et qui permet d'indemniser les victimes flouées par Vincent Lacroix dans l'affaire Norbourg.»

Bien qu'elle ne se reconnaisse aucune responsabilité non plus dans l'affaire Norbourg et qu'elle n'était pas parmi les défendeurs à ce recours collectif, la Caisse a tout de même versé 1 million $ pour le règlement afin de couvrir certains frais juridiques.

L'institution, qui avait vendu d'importants actifs à Vincent Lacroix, s'en tire donc fort bien puisque l'entente globale signifie l'abandon d'un autre recours collectif intenté contre la Caisse seule. Ce recours avait été entendu en novembre 2010 et était actuellement en délibéré, mais l'entente globale annoncée mercredi inclut ce règlement.