D'anciens collègues et chefs l'ont accablé, des avocats amené sur l'ultrasensible terrain familial, le président l'a réprimandé comme un enfant: Jérôme Kerviel encaisse les coups du procès dont dépend son avenir.

Seul prévenu, il est assis sur une chaise placée dos à la longue table des avocats, dans la salle des Criées où siège la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

Face à lui, à deux, trois mètres, le président Dominique Pauthe, haute stature, cheveux poivre et sel, et deux magistrates assesseurs.

Quand des témoins viennent au micro, il lève la tête pour suivre les échanges avec les avocats, à quelques centimètres de lui. Tout juste s'il ne doit pas tirer sa chaise pour ne pas gêner.

«Quand je m'adresse à vous, évitez de boire», lui demande le président au premier jour, alors que l'assistance s'évente tant bien que mal dans une chaleur étouffante.

«C'est vous qui me posez une question?? Dites: "Monsieur le président vous vous êtes trompé", mais ne me dites pas "pourquoi?"», lui ordonne une autre fois M. Pauthe.

Le lendemain, il fait moins chaud, les grandes fenêtres sont ouvertes.

Jérôme Kerviel passe avec succès l'épreuve d'un long interrogatoire du président, qui a beaucoup travaillé le dossier et relance le prévenu sur des points techniques incompréhensibles de la plupart des personnes présentes.

Un autre jour, sa tendance, teintée d'arrogance, à trouver «évidents» certains points de son affaire, agace le président, qui lui demande de se «mettre dans le crâne» que l'évidence n'a rien à faire ici.

Du côté des trois avocats de la Société Générale, ses échanges sont particulièrement tendus avec Me Jean Veil.

Un jour, il lui parle de la mort de son père. Jérôme Kerviel trouve sa question «odieuse». Un autre, il évoque les déboires de son frère, qui auraient pu l'inciter à vouloir gagner beaucoup d'argent pour l'aider. «Je suis là pour m'expliquer sur mon affaire, pas celle de mon frère», rétorque Jérôme Kerviel.

Quant aux témoins, peu de ceux attendus se sont présentés jusqu'à présent, mais un ancien collègue et ami trader est venu dire qu'il l'avait beaucoup déçu, ne lui trouvant aucune excuse.

Son ancien patron s'est tourné vers lui pour lui lancer à la figure: «Vous m'avez menti tout le temps, Monsieur Kerviel!».

Vendredi toutefois, au 4e jour, le témoignage d'un ancien trader de la Société Générale lui a été favorable.

Face à l'accusation, il a Metzner-associés pour plaider sa cause.

Me Olivier Metzner, en embuscade, se levant de son siège dès que la partie civile, un témoin, une vidéo, un exposé, lui inspirent des questions faussement naïves, insistantes, qui marquent des points et arrachent un petit sourire à son client.

Nicolas Huc-Morel, jeune associé du ténor du barreau, aborde les questions techniques, explique tableaux et chiffres.

Il y a aussi sur les bancs du public des visages amis. Un jeune qui portait vendredi un T-shirt à l'inscription «trader fou» - «venu pour le soutenir», dit-il. Un autre qui veut devenir trader, une retraitée qui n'a pas manqué une audience, une jeune femme brune, assise tous les jours à la même place.

Du procès «dépendra mon avenir», a écrit Jérôme Kerviel dans son livre.

Poursuivi pour avoir fait perdre 4,9 milliards d'euros à la Société Générale, en pulvérisant toutes les limites à l'aide d'opérations fictives et fausses déclarations, il risque cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende, et la banque va lui réclamer en dommages et intérêts les milliards perdus.