La Banque Royale savait depuis 2001 qu'Earl Jones puisait dans le compte en fidéicommis de ses clients à des fins personnelles. C'est ce que soutient une poursuite déposée hier en Cour supérieure, à Montréal.

La requête demande l'autorisation d'intenter un recours collectif contre la Banque Royale au nom de plus de 150 des victimes qui auraient perdu environ 75 millions dans cette affaire.

Le 15 janvier, Earl Jones s'est reconnu coupable d'avoir fraudé ses clients. Pour ce faire, il déposait tout leur argent dans un même compte en fidéicommis (in Trust Account) sans jamais le placer. De plus, il y puisait environ 1 million de dollars par année pour ses fins personnelles. Aujourd'hui, les fonds sont à sec.

Selon la requête déposée, la succursale de Beaconsfield de la Royale a fait preuve de négligence et d'aveuglement. Dès le 7 novembre 2001, elle avait inscrit une note au dossier d'Earl Jones identifiant des irrégularités.

«M. Jones m'a rappelé (...) Je lui ai dit que ce compte n'est pas un compte en fidéicommis formel et qu'il peut avoir des problèmes, car ce n'est qu'un compte personnel à son nom, le fidéicommis ne veut rien dire dans ce cas. Il m'a dit que son entreprise était en train de faire de gros changements et qu'il va y voir...» précise la note, reprise dans la requête.

En 2008, la Banque s'est de nouveau interrogée sur le compte, selon la requête. «Des notes au compte indiquent la connaissance en 2001 que le client faisait des affaires (business) par l'entremise de son compte personnel. Le client avait été avisé... Aujourd'hui, il y a de l'activité (sur le compte) qui est cohérente avec le fait que le client l'utilise comme un compte commercial en fidéicommis. Les renseignements sur le compte doivent toutefois être encodés incorrectement, puisque tous les renseignements indiquent qu'il s'agit d'un compte personnel plutôt qu'un compte en fidéicommis d'avocat», avait écrit la banque.

Pour faire suite à cette découverte, la Banque a obligé Earl Jones à ouvrir un autre compte le 24 juillet 2008, un compte commercial, et y a transféré les fonds des clients détenus dans le compte Earl Jones en fidéicommis.

La requête reproche aussi à la banque d'avoir omis de vérifier les signatures des chèques encaissés par le compte, parfois faussées. Les victimes réclament 40 millions de dollars, soit la différence entre les sommes déposées et les sommes qu'elles ont pu retirer depuis 1981.

La représentante du recours est Virginia Nelles, de Montréal, qui a perdu 400 000$ dans cette affaire.