Des avocates montréalaises d'origine haïtienne ont décidé d'agir pour aider leur pays. Belle marque de solidarité...

L'avocate Karine Joizil était encore au bureau à boulonner sur un important dossier mardi soir dernier lorsque son mari l'a appelée pour lui communiquer la mauvaise nouvelle. À 20 h, elle n'était pas encore au courant qu'un violent séisme avait frappé son pays quelques heures plus tôt.

«D'habitude, je consulte régulièrement Cyberpresse, mais là, parce que je préparais un procès, je n'avais pas encore consulté les nouvelles», dit cette jeune maman de 33 ans, associée chez Fasken Martineau, à Montréal.

Aussitôt arrivée à la maison, la Québécoise d'origine haïtienne a fait comme tous ses concitoyens: elle a tenté en vain de joindre la parenté qui vit en Haïti. Dans son cas, un grand-père, une tante et un cousin, qui ne donnaient aucun signe de vie. «On a su, le lendemain matin, qu'ils étaient sains et saufs, dit Me Joizil. On a passé une nuit angoissée.»

Comme elle, des milliers de Québécois d'origine haïtienne ont subi un choc terrible en apprenant la nouvelle de cette catastrophe humanitaire. Certains y ont perdu des parents, des amis, des collègues. D'autres espèrent encore. Karine Joizil, elle, ainsi que quatre autres avocates et une femme d'affaires d'origine haïtienne, ont décidé d'agir.

Et elles agissent vite!

Ainsi, dès le lendemain du séisme, ces avocates se sont réunies pour établir une stratégie. «Une stratégie à deux niveaux», explique Patricia Fourcand, 35 ans, associée chez Miller Thomson Pouliot, à Montréal. Me Fourcand est une pro du droit de la famille. Née en Haïti, elle a immigré jeune au Québec. Elle trouve la situation extrêmement pénible, étant sans nouvelles de plusieurs personnes, probablement toujours prises sous les décombres.

Des milliers de courriels

Me Fourcand et ses collègues se sont d'abord concentrées sur l'urgence de la situation, pour combler les besoins immédiats en eau, en médicaments, en nourriture. Elles ont donc concocté une sorte de communiqué de presse destiné, non pas aux journalistes, mais à leurs contacts respectifs. Et elles ont un gros réseau, ces avocates! Le courriel fut envoyé instantanément à des milliers de personnes. En gros, il leur demandait de contribuer financièrement à des organismes comme la Croix-Rouge, Médecins du monde et Oxfam Québec. Les avocates ont aussi l'intention de faire une demande de contribution au Barreau du Québec. «D'habitude, le Barreau ne contribue pas à ce genre de cause, dit Me Joizil, mais on va lui demander de faire une exception.»

Puis, chacune devait organiser quelque chose au sein de sa propre organisation. Me Fourcand, par exemple, prépare une journée «Jeans» chez Miller Thomson; pour 20$ ou 30$, chaque avocat du bureau aura ainsi le droit de s'habiller en jeans le temps d'un vendredi. L'avocate prépare aussi la mise sur pied d'un encan de vins, de cadeaux et de parfums. De plus, un courriel a été envoyé à tous les employés du cabinet au Canada, les invitant à donner généreusement. Karine Joizil, elle, a choisi une voie plus rapide: elle attend le retour de l'associé directeur de Fasken, parti en voyage, pour lui demander une contribution!

Pour la reconstruction

Mais les avocates ont aussi établi une stratégie à plus long terme pour assurer la reconstruction du pays. Les dates restent à confirmer, mais une marche pour Haïti est déjà prévue au début de février, de même qu'un souper-bénéfice un peu plus tard dans le mois. Le groupe songe de plus à mettre sur pied une fondation qui aurait pour mission de récolter des fonds pour la reconstruction.

Patrice Jourdain, 39 ans, conseillère juridique principale chez Desjardins, négocie actuellement avec plusieurs intervenants pour «stimuler l'investissement de grandes entreprises québécoises». Elle refuse toutefois d'en dire davantage, car rien n'est encore réglé, dit-elle.

Fait étonnant, les avocates veulent aussi se métamorphoser en journalistes! Oui, oui, d'ici quelques semaines, elles ont l'intention de rédiger des articles pour informer la population québécoise de l'évolution de la situation en Haïti. «En ce moment, tout le monde se préoccupe d'Haïti, mais, dans deux semaines, ça ne sera probablement plus dans l'actualité», explique Karine Joizil.

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renelewandowski@droit-inc.com

LE GROUPE

Madeleine Féquière, Domtar (n'est pas avocate)

Patricia Fourcand, Miller Thomson Pouliot

Tamara Thermitus, Ministère de la Justice du Canada

Stéphanie Raymond-Bougie (congé de maternité)

Patrice Jourdain, Desjardins