Pour acheter le Canadien de Montréal, tous les acheteurs ont placé dans leur équipe de négociateurs des avocats sur leur premier trio. Mais qu'est-ce qui fera la différence?

Maintenant que les noms de la plupart des acheteurs intéressés sont connus et que les premières offres ont été déposées, il est temps de passer aux choses sérieuses et de se demander qui, des prétendants en lice, sont les mieux placés pour mettre le grappin sur le Canadien de Montréal.

Les journalistes, sportifs surtout, spéculent déjà sur le prix de vente et sur l'échéance de la transaction. Petit cours de business 101: les deux sont intimement liés. S'il s'avérait que l'offre d'un des finalistes soit de beaucoup supérieure à celle de son plus proche rival, alors ça pourrait aller très vite. Deux semaines, une semaine, peut-être moins. George Gillet a besoin de comptant et il ne tergiversera pas longtemps si les acheteurs ne s'engagent pas dans une lutte épique.

En revanche, si l'écart entre les offres des rivaux est petit, alors la bataille pour le contrôle du CH et du Centre Bell pourrait s'éterniser. Mais c'est là, justement, que ça devient fichtrement intéressant. Car on pourrait assister à une féroce partie de poker entre Quebecor, les Molson, Stephen Bronfman et les autres.

La somme de 450 millions de dollars a été évoquée ces jours-ci comme prix de vente du Canadien. Possible, mais au-delà du prix et de l'identité des finalistes, il est tout aussi intéressant d'identifier et d'analyser les facteurs qui feront pencher la balance dans un sens ou dans l'autre.

L'un de ces facteurs est assurément la qualité des équipes de négociation en place, parmi lesquelles on retrouve des avocats. Vous pouvez être certain que tous les acheteurs se sont assurés d'avoir les meilleurs conseillers juridiques à leurs côtés. Pour faire une analogie avec le hockey, les acheteurs ont composé leur équipe en plaçant les meilleurs avocats sur leur premier trio!

Pas étonnant, donc, que tous les grands cabinets de Montréal soient dans le coup d'une manière ou d'une autre, et, signe que le dossier avance bien et vite, les cabinets qui rêvaient de travailler sur le dossier il y a quelques semaines à peine ont depuis été appelés à la rescousse. Facile à savoir, ils ne répondent plus aux appels des journalistes!

Un conseiller stratégique

Dans ce type de vente aux enchères, quel rôle peut bien jouer un avocat? En fait, ça dépend des acheteurs. Pour certains, l'avocat est l'emmerdeur de service, l'empêcheur de tourner en rond, celui qui met des bâtons dans les roues avec ces clauses contraignantes et ses multiples objections. Pour ceux-là, l'avocat n'aura pas grand-chose à dire dans les négos.

Dans ce cas-ci, il est toutefois beaucoup plus probable que l'avocat soit perçu comme l'un des membres clés de l'équipe de négociateurs. Car au prix qu'ils sont payés - entre 600$ et 900$ l'heure -, les avocats spécialistes en fusions et acquisitions sont en fait bien plus que des avocats. Les clients les considèrent comme des conseillers stratégiques, ceux dont les recommandations peuvent faire une différence dans le résultat final. Certains acheteurs du CH sont tellement friands de leurs conseils qu'ils ont réquisitionné les services non pas d'un, non pas de deux, mais de trois bureaux d'avocats!

Pour vous donner une idée à quel point le choix de l'avocat est important aux yeux des acheteurs, certains ont accepté d'être représentés par le même cabinet. Non pas par le même avocat, ça n'aurait aucun sens, mais par des équipes distinctes du même bureau. Ainsi, durant tout le processus, ces avocats seront séparés par un "mur de Chine", le jargon qu'on emploie dans le milieu pour dire qu'ils n'auront pas le droit de se parler jusqu'à la conclusion de la transaction.

Dans ce type de transactions, l'expérience de l'avocat en chef est primordiale, voire déterminante. On fait appel à son pif pour tenter de savoir ce qui se passe dans la tête du vendeur et de son avocat. L'avocat doit être capable de bien jauger le délicat équilibre entre le prix offert et les clauses demandées. Plus on offre gros, plus on peut exiger des clauses et garanties du vendeur.

Dans ce cas-ci, puisqu'il y a deux business - le club de hockey et une filiale divertissement -, un acheteur pourrait par exemple offrir un prix qui varierait, dans le temps, selon la performance financière de la filiale divertissement. C'est là que ça se joue en fait: un avocat d'expérience sera capable de bien comprendre la psychologie du vendeur, de savoir presque viscéralement ce qu'il veut et de mettre juste la bonne dose de clauses. En revanche, un novice tentera d'inclure toutes sortes de clauses qui feront au bout du compte avorter la transaction.

Mais mettons une chose au clair, le prix de vente sera toujours le facteur le plus déterminant. Ce n'est que si les offres monétaires sont semblables ou très proches l'une de l'autre que l'avocat pourrait faire une réelle différence...

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PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE