Pour familiariser ses lecteurs avec les rudiments de la pondération d'un portefeuille, La Presse a demandé à quatre stratèges d'exposer comment ils répartiraient une mise de 50 000$ destinée à un REER. Nous avons limité l'exercice à une pondération sur une base indicielle. Nous reprendrons rendez-vous avec eux après chaque trimestre pour mesurer leur performance et leur permettre de rajuster leur pondération selon les développements de la conjoncture.

Prudence. Quatre fois plutôt qu'une.

L'économie mondiale est en pleine récession. Les gouvernements s'endettent à qui mieux mieux pour sortir leurs pays du bourbier ou pour sauver leurs banques dont plusieurs sont acculées à la faillite.

Dans ces conditions, bien maligne la personne capable de déceler ces jours-ci des aubaines, sans grand risque d'y perdre sa blouse ou sa chemise.

«Les États-Unis sont dans l'oeil de leur grave récession alors que le Canada commence à peine à trébucher, résume Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux. Rebond il y aura, mais de quelle ampleur? Il faut se garder une petite gêne.»

«Nous n'avons jamais été aussi indécis. Trois de nos scénarios sur quatre nous incitent à être défensifs, renchérit François Bourdon, vice-président répartition de l'actif chez Fiera Capital. Les investisseurs n'ont pas encore pris la mesure des mauvaises nouvelles.»

«Les marchés se cherchent une direction, car ils ne voient pas encore de reprise, souligne pour sa part Luc Girard, directeur du groupe conseil en portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins. Il y aura encore trois mois de grande volatilité.»

«Trois conditions sur quatre sont réunies pour voir la lumière, précise pour sa part Pierre Lapointe, stratège à la Financière Banque Nationale. Le prix du pétrole a fortement reculé, le marché immobilier américain est en train de se stabiliser et les attentes de profits des analystes sont maintenant plus réalistes. Il en reste une, toute une à remplir, c'est la stabilisation des marchés financiers et du crédit.»

Le même constat de marasme et d'instabilité donne lieu cependant à des appréciations différentes de la situation qui influent sur les choix de nos experts.

Les quatre s'entendent pour garder 5000$ en encaisse, pour tirer le meilleur parti des occasions qui pourront être décelées. En temps normal, 10% de son portefeuille en cash, c'est beaucoup: si le capital est protégé, il est en général mal rémunéré lorsqu'on ne le fait pas travailler.

Là s'arrête la belle unanimité.

MM. Delisle et Bourdon mettent la moitié de leurs billes ou 25 000$ dans le marché obligataire. M. Delisle précise qu'il faut surveiller de près ce marché. Compte tenu des besoins d'emprunts des gouvernements, les taux à long terme pourraient augmenter (ce qui est mauvais pour ce marché) surtout si la reprise se pointe le museau plus vite que prévu.

M. Bourdon justifie son choix par ses attentes de rendements négatifs des marchés boursiers encore cette année.

M. Girard croit que 45% du portefeuille (22 500$) en obligations, c'est suffisant. Le rallye des derniers mois a donné déjà beaucoup de rendement. Il reste peu de place, mais la protection du capital doit prévaloir dans le contexte présent.

M. Lapointe est celui qui mise le plus sur la reprise prochaine du marché boursier. Voilà pourquoi, il ne place que 35% (17 500$) dans les obligations.

Même si l'indice boursier canadien S&P/TSX est mal calibré avec les ressources et le secteur financiers qui pèsent plus que la moitié, il juge à propos d'y placer le quart (12 500$) de sa mise, ce qui est relativement neutre, d'un point de vue stratégique. Il mise 15% (7500$) sur les actions américaines, car c'est de là que va démarrer la reprise mondiale, assure-t-il. Les derniers 7500$ sont dispersés en Europe, en Asie et en Extrême-Orient, selon le calibrage de l'indice Morgan Stanley Europe-Asie-Extrême-Orient.

MM. Girard et Bourdon placent aussi 15% de leurs billes aux États-Unis. Tous deux parient leurs 10% restants sur les autres marchés émergents, M. Girard précise qu'il aime en particulier les marchés brésilien, russe, indien et chinois (BRIC).

M. Delisle se démarque. Il place le quart de son actif dans les actions américaines et les 15% restants dans les canadiennes. Il fait le pari que la faiblesse du huard au cours du trimestre va atténuer les pertes potentielles du marché américain et que la Bourse canadienne va réagir avec décalage à une relance éventuelle de la new-yorkaise.

La suite, début avril.

LA RÉPARTITION DES 50 000$

F. Bourdon /V. Delisle /L. Girard /P. Lapointe

Encaisse 5 000 /5 000 /5 000 /5 000

Obligations 25 000 /25 000 /22 500 /17 500

Actions canadiennes 7500 /7500 /10 000 /12 500

Actions américaines 7500 /12 500 /7500 /7500

Actions EAEO 5000 /- / 5000 /7 500

TOTAL 50 000 /50 000 /50 000 /50 000