Les oncologues québécois déplorent avoir été « tenus dans l'ignorance » par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) au sujet du problème avec l'administration de traitements dans le cas de certains types de chimiothérapie découvert dans la province l'été dernier.

« Est-ce un incident qui implique un patient ? Des dizaines ? On n'en a aucune idée. Or, à juste titre, les équipes médicales doivent être au courant lorsqu'une problématique comme celle-là survient », a dit le Dr Martin Champagne, président de l'Association des médecins hématologues et oncologues du Québec, hier, en entrevue à La Presse.

Des patients atteints de cancer n'ont pas reçu la pleine dose de chimiothérapie prévue dans le cadre de leur traitement en raison d'un problème avec le protocole d'administration - un problème qui a été corrigé en août, a révélé Le Devoir la veille.

Une partie du médicament (de 10 à 15 ml de solution) restait dans la tubulure entre le soluté et l'intraveineuse, et le protocole ne permettait pas de vider la ligne d'infusion, a confirmé le MSSS, sans toutefois préciser dans combien d'hôpitaux le problème a été décelé - et surtout combien de patients avaient été touchés.

« L'évaluation de la situation révèle que celle-ci ne change pas les chances de survie des patients ni les taux de réponse, puisque la proportion restante du médicament n'est pas considérée significative par rapport à la quantité administrée. De plus, les doses de chimiothérapie doivent souvent être réduites en raison des effets secondaires », a indiqué à La Presse la responsable des communications du MSSS, Marie-Claude Lacasse.

COMBIEN DE PATIENTS TOUCHÉS ?

Le MSSS n'a pas d'évaluation du nombre de patients qui auraient pu être touchés. « Nous n'avons pas le nombre exact de chimiothérapies données au Québec, poursuit Mme Lacasse, du MSSS. Nous estimons que cette situation touche moins de 10 % des patients. Ces estimations sont basées sur les différentes méthodes d'administration de chimiothérapie recensées. »

Le Dr Champagne affirme qu'il ne doute pas de la parole du Ministère. Toutefois, comment les équipes médicales peuvent-elles s'assurer que la problématique découverte ne se reproduise pas si les médecins ne savent pas exactement ce qui s'est passé ? demande le médecin spécialiste.

« La grande leçon du scandale du sang contaminé [des hémophiles avaient reçu des produits sanguins contaminés par le VIH dans les années 80], c'est justement la transparence », rappelle le Dr Champagne, de l'Association des médecins hématologues et oncologues du Québec.

INQUIÉTUDES

La Fédération des médecins spécialistes du Québec a aussi écrit à ses membres, hier, pour souligner qu'elle était « tout aussi inquiète » que les patients. « Cette problématique a déjà été soulevée ailleurs au pays cet été et, comme aucune communication n'a eu lieu avec les équipes médicales non concernées, elles ont tenu pour acquis que ce problème n'existait pas au Québec », affirme sa présidente, la Dre Diane Francoeur, dans une lettre envoyée à ses membres, obtenue par La Presse.

Les médecins spécialistes demandent à la Direction québécoise de cancérologie - qui relève du MSSS - de rassurer les médecins qui prescrivent ces traitements au quotidien et qui ne savent pas quoi répondre à leurs patients inquiets depuis hier.

Le problème avec la tubulure et la pompe utilisées dans l'administration de certaines chimiothérapies a été découvert pour la première fois dans un hôpital ontarien en juin dernier. Après enquête, Cancer Care Ontario a dénombré quelque 1000 patients touchés. Ils ont tous été contactés, et 10 % ont dû subir un nouveau traitement. Le Nouveau-Brunswick et le Manitoba ont découvert le même problème par la suite.