Des patrons pour nourrir les patients, les laver et changer leur couche. La pénurie de personnel dans le réseau de la santé est si criante que des gestionnaires ont été appelés à la rescousse pour remplir des quarts de travail de préposés aux bénéficiaires dans des établissements de Québec pendant le congé de la fête du Travail, a appris La Presse.

Le Centre intégré universitaire de santé et services sociaux (CIUSSS) de la Capitale-Nationale a confirmé que 12 de ses cadres donneraient un coup de pouce dans les résidences du réseau public au cours des prochains jours, afin de répondre aux besoins des résidants.

Le syndicat concerné affirme qu'il s'agit d'une illustration d'un problème plus large, notamment causé par les mauvaises conditions de travail des préposés.

« Ce sont des cadres qui ont accepté volontairement de venir nous donner un coup de main en fin de semaine, soit de jour ou de soir », a confirmé Céline Allard, de l'administration du CIUSSS. « Ils viennent travailler dans les CHSLD. [...] Ils vont travailler en équipe avec les gens qui sont sur place, ils ne seront pas laissés tout seuls. »

Une méthode déjà utilisée

Mme Allard précise qu'il s'agit de gestionnaires qui sont des professionnels de la santé, par exemple des cadres des services infirmiers. Cette méthode est utilisée « de temps en temps », notamment lors de tempêtes de neige, et le ministère de la Santé en a été informé, a-t-elle précisé.

Ces cadres seront rémunérés selon leurs propres conditions de travail pour les heures travaillées. Ils n'échapperont pas aux tâches les plus délicates des préposés.

« On leur dit qu'ils devront répondre aux besoins d'assistance des résidants : le réveil, l'accompagnement au déjeuner, la toilette basse, le changement de protection, l'habillement, les déplacements... »

- Céline Allard, de l'administration du CIUSSS de la Capitale-Nationale

Céline Allard en convient : il y a « pénurie de préposés aux bénéficiaires » au CIUSSS et partout au Québec. Et « notre obligation, c'est de répondre aux besoins ». Le manque de préposés est aggravé par la rentrée : « On a environ 170 étudiants qui ont travaillé avec nous tout l'été et qui retournent à l'école », a-t-elle ajouté.

Une situation critique

Pour le syndicat des préposés aux bénéficiaires du CIUSSS de la Capitale-Nationale, la grave pénurie à la source de la situation actuelle est d'abord causée par les mauvaises conditions de travail offertes aux employés.

« Non seulement on n'attire pas des gens pour venir travailler, mais en plus, on en perd », a indiqué Richard Boissinot, président du Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CIUSSS de la Capitale-Nationale, affilié à la CSN.

Selon lui, cet été, un ou deux employés démissionnaient chaque semaine, écoeurés par les heures supplémentaires obligatoires ou l'ambiance de travail délétère.

D'après les derniers chiffres dont dispose M. Boissinot, et qui datent du printemps dernier, l'employeur était à la recherche de plus de 400 préposés à la clientèle dans la région.

« Les cadres qui vont se retrouver sur le terrain en fin de semaine, j'espère qu'ils vont enfin comprendre ce qu'on leur dit depuis des mois, a-t-il ajouté. J'imagine qu'en faisant le travail, ils vont s'apercevoir qu'on ne parlait pas à tort et à travers. »

Enquête du syndicat à venir

Malgré cela, le syndicat réfléchit tout de même à une contestation de l'utilisation de cadres pour remplir des tâches habituellement exécutées par des employés. « On va faire notre enquête, on va voir où c'est. Probablement qu'on va faire un grief », a-t-il dit.

Un CHSLD du CIUSSS de la Capitale-Nationale s'est retrouvé sous les projecteurs plus tôt cette semaine quand M. Boissinot a accusé une cadre d'y avoir « pris en otage » des préposés aux bénéficiaires à qui elle demandait de faire un remplacement. Selon le syndicat, cette gestionnaire aurait verrouillé une porte pour les empêcher de quitter les lieux pendant 15 minutes.

L'employeur a contesté cette version des faits, affirmant que personne n'avait été enfermé et que la situation s'était conclue en trois minutes.