La CSN demande à la Cour supérieure de déclarer inconstitutionnelle la loi sur les services essentiels en cas de grève dans le secteur de la santé et des services sociaux. Imposer à un grand nombre de salariés de rester au travail sans égard à leurs fonctions brime le droit de grève, soutient la centrale syndicale.

En août dernier, une brèche a été ouverte alors que le Tribunal administratif du travail (TAT) a jugé «constitutionnellement inopérant» un article du Code du travail fixant les pourcentages du personnel à maintenir au travail durant un débrayage (90% pour les CHSLD, 80% pour les hôpitaux, 60% pour les CLSC et 55% pour les centres jeunesse).

Pour le juge Pierre Flageole, le Code présente «des pourcentages minimums [...] qui ne sont pas nécessairement adaptés à la fourniture de services réellement essentiels» pendant une grève. Il «impose manifestement la prestation de services qui ne le sont pas», essentiels. Et il «ne prévoit pas qu'un tiers indépendant puisse se pencher sur la pertinence des pourcentages minimum imposés». Par conséquent, «le Code ne se limite pas aux moyens qui portent atteinte le moins possible au droit de grève des salariés».

Le recours, piloté également par la CSN, concernait les travailleurs de quatre établissements de santé. Le juge avait donné un an au gouvernement pour modifier sa loi. Québec ne l'a pas fait. Il n'a pas interjeté appel non plus. Résultat : s'il devait y avoir grève à l'expiration des conventions collectives en 2020, les règles sur les services essentiels s'appliqueraient partout, sauf dans les quatre établissements visés par la décision du TAT.

Avec sa nouvelle requête qui sera déposée aujourd'hui devant la Cour supérieure, la CSN cherche à élargir la brèche et à faire tomber les obligations actuelles pour l'ensemble des établissements.

La centrale syndicale ne revendique pas la possibilité de faire une grève totale dans un hôpital. Elle ne remet pas en question le maintien de services essentiels pour assurer la sécurité de la population. Elle veut plutôt que le gouvernement soit forcé d'en négocier la portée.

Défense du droit de grève

Selon elle, on ne peut demander à une préposée aux comptes à recevoir de rester au travail pendant une grève comme on le fait pour une infirmière aux soins intensifs, par exemple. Il faudrait évaluer la situation de chaque salarié pour déterminer si son travail peut être jugé «service essentiel». À l'heure actuelle, le droit de grève est entravé de manière abusive, et le rapport de force des salariés est affaibli, plaide-t-elle.

Sa requête s'appuie sur la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Federation of Labour c. Saskatchewan, rendue en 2015. Le plus haut tribunal du pays avait statué que la loi de la Saskatchewan sur les services essentiels brimait la liberté d'association des travailleurs. Il reconnaissait pour la première fois que le droit de grève est protégé par la Charte canadienne des droits et libertés. C'est une décision majeure dont le TAT a tenu compte dans sa décision et qui, selon la CSN, doit mener à une révision de la loi sur les services essentiels au Québec.

Dans son pourvoi en contrôle judiciaire, la centrale s'attaque à d'autres lois en matière de relations de travail dans les secteurs public et parapublic.

Par exemple, elle conteste l'interdiction de faire la grève lors des négociations à l'échelle locale. Un autre angle d'attaque concerne la fusion des établissements de santé. Les parties doivent alors convenir de nouvelles ententes locales, comme on le voit actuellement dans la foulée de la loi 10 du ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette. Or, ces nouvelles ententes ne sont soumises à aucune échéance, et l'employeur n'a aucune obligation de les renégocier à l'avenir, contrairement aux ententes à l'échelle nationale, déplore la CSN. Cette disposition ne respecte pas le droit à la négociation, selon elle.