Québec « règle le passé », sa dette avec les médecins spécialistes, en leur accordant une hausse de leur rémunération de 1,4 % par an pour la période 2015-2023 et une somme non récurrente de 1,5 milliard en dix ans.

« Nous ne pouvions pas déchirer » les ententes passées qui prévoyaient ces hausses, a soutenu le président du Conseil du trésor, Pierre Arcand, vendredi, en dévoilant les détails de son entente avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ). Il considère que l'opposition est « irresponsable » de soutenir le contraire. L'État s'exposerait à des poursuites judiciaires coûteuses, selon lui.

« Les chiffres peuvent paraître importants, mais il y a une justification », a plaidé M. Arcand. Le gouvernement a fait des « gains majeurs » qui permettent de réaliser des économies par rapport aux engagements pris dans le passé. Il obtient une « évolution contrôlée » de la rémunération médicale.

La présentation faite vendredi confirme des chiffres présentés par La Presse depuis une semaine. La rémunération des un peu plus de 10 000 spécialistes atteindra 5,4 milliards en 2022-2023.

Pour la période 2015-2023, donc huit ans, le gouvernement accorde 1,4 % par année en moyenne (11,2 %). Il s'agit d'une dépense récurrente de 511 millions de dollars.

Québec rembourse également une dette non récurrente : 480 millions - des sommes dues et non versées à la FMSQ depuis 2012, première année où le gouvernement, péquiste à l'époque, n'a pas payé certaines hausses. À ces 480 millions s'ajoute un montant d'un milliard. Ce montant non récurrent totalisant 1,5 milliard, un report des augmentations convenues dans le passé, sera versé sur une période de 10 ans.

Aucun « argent neuf » n'est accordé : on étale dans le temps des augmentations promises datant d'une entente signée en 2006-2007, et remodelée en 2014, pour effectuer un rattrapage salarial avec le reste du Canada.

À titre comparatif, l'entente conclue l'automne dernier avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) représente des hausses récurrentes de 1,8 % par année en moyenne. Ils ont des nouvelles hausses auxquelles la FMSQ n'a pas droit, parce que le gouvernement veut réduire l'écart de rémunération entre les médecins de famille et les spécialistes. La dette non récurrente de la FMOQ que le gouvernement remboursera est de 650 millions, encore une fois comme La Presse l'avait démontré.

Québec fait une comparaison avec le front commun des employés du secteur public : Québec a accordé des hausses récurrentes de 1,75 % par année en cinq ans, et des montants forfaitaires, donc non récurrents, représentant 1,5 %.

Québec chiffre ses économies à plus de trois milliards de dollars en huit ans par rapport à la précédente entente de 2014, entre autres par l'abandon d'une « clause remorque » avec le secteur public de 5,25 % et l'étalement sur une plus longue période de temps des hausses promises.

Québec atteint son objectif de plafonner à 3 % par an l'augmentation de l'enveloppe totale de rémunération des médecins. Une part, 2 %, finance l'arrivée de nouveaux de médecins et l'ajout de services. Québec a également confirmé que les spécialistes paient plus de 100 millions (105 millions pour être précis) à même leur masse salariale des dépenses de services qui se trouvaient financer auparavant par le budget général de la Santé. Un plan national est mis sur pied pour éviter les bris de services dans les spécialités de base (anesthésie, par exemple) partout au Québec. Des pénalités pouvant atteindre 3000 $ s'appliqueront aux médecins qui ne respectent pas le plan ; 200 000 $ pour les associations médicales.

Rémunération médicale stabilisée

Le Trésor décortique la hausse récurrente de l'enveloppe de rémunération de 11,2 % : 4,6 % ont été accordés dans les dernières années en augmentations tarifaires, 3 % seront versés aussi en hausses de tarif dans les années à venir. Le reste se concrétise en ajout de services, donc une hausse du nombre d'actes.

En bout de course, Québec stabilise à 20 % la part des dépenses en rémunération pour tous les médecins dans le budget global de la Santé. Sans les ententes, il risquait que cette part atteigne 25 %.

L'enveloppe de rémunération des spécialistes passera de près de cinq milliards actuellement à 5,4 milliards en 2022-2023. L'entente de 2014 faisait passer le montant en 2022-2023 à 5,9 milliards.

TOTAL DES ENTENTES AVEC LA FMSQ ET LA FMOQ

• Rémunération médicale

• 2017-2018 : 7,6 milliards

• 2022-2023 :  8,7 milliards

Hausse de près de 3 % par an en moyenne

Par ailleurs, Québec a présenté une comparaison entre la rémunération des médecins québécois (spécialistes et omnipraticiens) et leurs collègues du reste du Canada, ajustée au coût de la vie, pour 2015-2016.

RÉMUNÉRATION MÉDICALE PAR HABITANT

• Québec : 701 $

• Ontario : 622 $

• Reste du Canada : 647 $

Les ententes avec la FMSQ et la FMOQ prévoient de confier à l'ICIS, un organisme indépendant, le mandat de faire une étude comparative entre la rémunération des médecins du reste du Canada, dont l'Ontario, et ceux du Québec, en tenant compte du coût de la vie. L'étude sera réalisée pour 2019-2020, basée sur les données de 2015-2016, et tiendra compte aussi de la charge de travail, donc de la productivité des médecins. Un mécanisme d'arbitrage est prévu si les parties ne s'entendent pas sur la valeur de l'écart. Si les médecins québécois sont lésés, le gouvernement et les fédérations devront négocier pour trouver une façon de résorber l'écart, mais Québec n'a pas promis d'ores et déjà de le régler.

Les nouvelles ententes comportent des enveloppes fermées. Donc aucune somme ne peut être récupérée si la rémunération québécoise dépasse dans les faits celle du reste du Canada.

Les ententes avec la FMSQ et la FMOQ seront disponibles sur le site de la RAMQ seulement dans environ deux mois. Québec finalise les textes de l'entente avec la FMSQ.

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ENTENTE FMSQ

• Récurrent : 1,4 % par an sur 8 ans (2015-2023)

• Non récurrent : 1,5 milliard sur 10 ans (2017-2027)

ENTENTE FMOQ

• Récurrent : 1,8 % par an sur 8 ans (2015-2023)

• Non récurrent : 650 millions

ENTENTE FRONT COMMUN

• Récurrent : 1,75 % par an sur cinq ans (2015-2020)

• Non récurrent : 1,5 % en montants forfaitaires au cours de la période de 2015-2020