L'ironie est aussi cruelle que tragique. En novembre dernier, l'ambulancier Hugo St-Onge signait une lettre ouverte pour dénoncer le manque d'ambulances dans la ville de Lévis. Un mois plus tard, le jeune homme de 24 ans est lui-même mort d'un arrêt cardiorespiratoire... en attendant une ambulance qui a mis le double du temps recommandé pour se rendre à son secours.

Ce drame relance le débat sur la pénurie d'ambulances alléguée depuis plusieurs années par les élus et les ambulanciers de Lévis - une situation que le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, n'a jamais reconnue.

«Je ne veux surtout pas faire de lien entre le cas d'Hugo et la desserte ambulancière, parce que c'est une situation qu'on dénonce depuis longtemps. Mais c'est sûr qu'un paramédic qui décède en attendant l'ambulance, ça frappe l'imaginaire. Ça relance le débat, on ne se fera pas de cachettes», a commenté à La Presse Maxime Laviolette, directeur général de Dessercom, l'entreprise de transport ambulancier qui couvre Lévis et pour laquelle travaillait Hugo St-Onge.

Une attente de 20 minutes

Hugo St-Onge est mort d'un arrêt cardiorespiratoire dans la nuit du 26 au 27 décembre, alors qu'il n'était pas en service. Un appel d'urgence a été fait vers minuit et demi. Les ambulances du secteur étant déjà affectées à des urgences, c'est une ambulance du secteur voisin, Saint-Charles-de-Bellechasse, qui s'est finalement rendue au secours du jeune homme.

«On parle d'un délai d'une vingtaine de minutes», dit M. Laviolette. Notons que des premiers répondants étaient sur les lieux avant l'arrivée des ambulanciers. 

Une enquête du coroner a été ouverte et il est trop tôt pour dire si une intervention plus rapide aurait pu sauver la vie du jeune homme. Mais de façon générale, on estime qu'en l'absence de réanimation cardiorespiratoire, chaque minute d'attente diminue d'environ 10% le taux de survie des patients. 

Les normes nord-américaines préconisent une intervention dans un délai maximum de 8 à 10 minutes. Au-delà du seuil de 15 minutes, les chances de survie sont pratiquement nulles.

La mort du jeune ambulancier a provoqué une onde de choc chez Dessercom. «Il y a beaucoup de tristesse, d'incompréhension, de colère», dit le directeur général Maxime Laviolette. À 24 ans, Hugo St-Onge semblait en parfaite santé. Des photos sur Facebook le montrent en train de faire du ski alpin en Allemagne. 

«Hugo était quelqu'un d'extrêmement apprécié, de très dévoué. Il était très impliqué dans l'entreprise et très aimé de ses collègues.»

Pas plus tard que le 21 novembre dernier, Hugo St-Onge avait signé, avec plusieurs collègues, une lettre ouverte dans le journal Le Soleil dénonçant le manque d'ambulances qui, selon eux, touche Lévis.

«Quand nous sommes témoins de délais importants qui mettent en danger la sécurité et le bien-être de la population, ça nous fâche. Quand nous devons cesser d'appliquer les manoeuvres de réanimation parce que le patient ne répond pas, ça nous attriste. Quand nous devons expliquer aux patients et à leur famille les raisons de ces longs délais, nous nous sentons impuissants», écrivaient notamment les ambulanciers.

Un parc de sept ambulances

La lettre rappelait qu'aucune ambulance n'a été ajoutée au parc de véhicules de Lévis depuis 2008, alors que la population a grimpé de 12 000 habitants depuis et qu'elle est vieillissante. «Il n'est pas nécessaire de chercher midi à quatorze heures pour comprendre que la situation s'aggrave et qu'il ne semble pas y avoir de stratégie gouvernementale pour régler le problème», écrivaient les ambulanciers.

Hugo St-Onge avait aussi relayé sur Facebook des messages interpellant le ministre de la Santé Gaétan Barrette sur la question du temps de réponse des ambulanciers.

«Nous sommes la septième ville en importance au Québec et nous n'avons que sept ambulances. Dans les villes de taille comparable - Trois-Rivières, Saguenay, Rimouski -, c'est le double», affirme M. Laviolette.

Cet automne, le manque d'ambulances à Lévis a fait l'objet de reportages qui ont forcé M. Barrette à réagir. Celui-ci a attribué les demandes à une stratégie syndicale et affirmé qu'il n'y avait pas lieu «d'alarmer la population».

«C'est sûr qu'on peut très bien mettre des ambulances à l'intersection de chaque rang du Québec», a-t-il ironisé dans des propos rapportés par Le Journal de Québec.

Évaluation continue

Au ministère de la Santé, on assure que le nombre d'ambulances est évalué en continu partout dans la province. «Cet automne, des ajouts ont été faits dans Chaudière-Appalaches, mais pas à Lévis, parce que selon les barèmes du ministère de la Santé, la ville n'atteignait pas les critères pour justifier un ajout», dit Marie-Claude Lacasse, responsable des relations de presse au Ministère.

Le Ministère «appelle à la prudence pour ne pas que des conclusions hâtives soient tirées» et met en garde contre la tentation de «faussement conclure que l'arrivée plus rapide d'une ambulance aurait pu changer le dénouement de cette situation».

Selon Geneviève Côté, attachée de presse du maire de Lévis, Gilles Lehouillier, une rencontre devait avoir lieu avant les Fêtes entre ce dernier et le ministre Gaétan Barrette pour justement discuter de la question des ambulances. La rencontre a été reportée à cause d'un conflit d'horaires, mais devrait avoir lieu en janvier.