Le gouvernement Couillard envisage de réduire le fardeau de la taxe santé versée par les contribuables pour l'année 2016. D'une application complexe, la mesure rétroactive retournerait environ 400 millions dans les poches des contribuables.

Selon les informations obtenues par La Presse, cette mesure, sérieusement évaluée aux Finances, serait au coeur du quatrième budget de Carlos Leitão qui sera déposé le 28 mars. Québec maintiendra l'équilibre budgétaire pour la troisième année consécutive avec un budget « prudent », a prévenu le premier ministre Philippe Couillard, en dépit d'un surplus de 2,3 milliards pour les neuf premiers mois de 2016.

Québec avait annoncé en octobre dernier qu'il devançait en 2017 l'abolition complète de la taxe santé, une ponction de plus de 755 millions par année dans les coffres du gouvernement.

Le remboursement pour 2016 n'est quant à lui pas encore acquis, puisque le budget n'est toujours pas fermé, ce qui explique le flou d'une manchette de Radio-Canada, hier, qui prédisait des baisses d'impôts globales oscillant entre 100 et 500 millions.

L'avantage de cette mesure est qu'elle n'est pas récurrente. Québec sait donc exactement combien la mesure lui coûtera.

GRÂCE À LA « CROISSANCE ÉCONOMIQUE »

Il serait irresponsable, selon M. Couillard, d'annoncer des baisses d'impôts « financées par la carte de crédit de nos enfants ou par la dette. Y aura-t-il un geste de plus ? Vous verrez... mais ces gestes seront posés sur des bases solides et non sur l'endettement de nos enfants ». « Des baisses d'impôts supplémentaires devraient venir de la croissance économique », a-t-il ajouté plus tard.

Or, l'économie se porte bien. La croissance de l'emploi reste robuste, et vendredi, le ministère des Finances a révélé que le surplus pour les neuf premiers mois de 2016 atteignait 2,3 milliards. Déjà, l'année 2017 débute avec le devancement de l'abolition totale

Avec ce surplus, pas question de hausse de taxe ; les consommateurs de tabac et d'alcool ou les automobilistes, souvent sollicités dans le passé, ne seront pas touchés.

AUTRES MESURES

Selon les informations colligées par La Presse, le gouvernement Couillard proposera des mesures aux entreprises pour favoriser « l'investissement », l'achat d'équipement, par exemple. En matière de main-d'oeuvre, des propositions du récent sommet sont retenues, notamment pour permettre qu'un salarié puisse entreprendre une formation à temps partiel. On bonifiera aussi le programme Prime, par lequel Québec défraie, pour un an, une partie du salaire d'un nouvel arrivant.

Québec injectera aussi des fonds pour permettre aux entreprises de presse de prendre le virage numérique, une demande insistante des médias régionaux.

La réforme de la fiscalité que M. Couillard promettait en 2014 devra attendre. Le rapport du fiscaliste Luc Godbout préconisait des hausses de taxes contre des baisses d'impôts. « On ne veut pas augmenter la taxe à la consommation, pour des raisons de consommation et de croissance économique », a tranché M. Couillard.

Le prochain budget tablera sur cinq années d'équilibre budgétaire. « Le Québec dans le rouge, c'est fini pour de bon ! », a ajouté M. Leitão.

« Il est temps de donner davantage le bénéfice de la croissance à tous les Québécois. Nous faisons ce que nous avons dit que nous ferions », a lancé M. Couillard. La croissance des dépenses en santé sera de 4 %, l'engagement pris par le gouvernement. En éducation, on sera près des 3,5 % promis, a-t-il laissé entendre. « Plus de services en santé, pour les aînés, plus de moyens en éducation, pour la réussite de nos jeunes. L'éducation est le principal vecteur de développement », a insisté le ministre Leitão.

Avec un environnement international instable, en particulier au sud de la frontière, le gouvernement doit jouer de prudence, conserver une marge de manoeuvre pour faire face à des fluctuations imprévues. « Le budget sera prudent, et une des raisons est l'incertitude qui nous entoure sur les questions commerciales », a résumé M. Couillard. Pas moins de 71 % des exportations québécoises vont aux États-Unis, et ces échanges sont vitaux pour 12 000 PME québécoises.

FONDS NON DÉPENSÉS

Le ministre Leitão a assuré que les 700 millions non décaissés encore au budget de l'éducation le seraient en 2016-2017 ; ce réseau fonctionne sur des années scolaires plutôt que sur l'année financière générale, a indiqué M. Couillard. 

En Chambre, le chef péquiste Jean-François Lisée a rappelé qu'en début de mandat, Philippe Couillard avait promis le déficit zéro sans réduire les services. Or, « l'austérité a fait mal aux Québécois », dit-il. Les chiffres du ministère des Finances, vendredi dernier, indiquent que 293 millions promis l'an dernier en santé n'ont pas été décaissés. Pour l'éducation, les fonds non dépensés atteignent 627 millions. « Au budget, vous allez voir qu'il n'y a pas de telles sommes non dépensées pour l'année 2016-2017. »

Pour Philippe Couillard, aucune des mesures qui s'adressent aux élèves n'est retardée. Les investissements seront au rendez-vous ; parfois, les décaissements sont en retard, cela dépend des réseaux et non du gouvernement.

« Les surplus du gouvernement s'élèvent, pour les neuf premiers mois, à 3,8 milliards de dollars. Il faut comprendre que c'est de l'argent qui a été pris dans les poches des Québécois, c'est de l'argent qui vient des taxes, des tarifs, des impôts », a souligné le chef de la CAQ François Legault, qui estime que le gouvernement devrait retourner 1000 $ par famille aux contribuables. M. Couillard répliqué qu'une famille avec enfants a davantage d'argent à dépenser au Québec qu'en Ontario. Jusqu'à 130 000 $ de revenus, un ménage qui a deux enfants a plus d'argent à dépenser au Québec qu'en Ontario. Le ménage médian a 5000 $ de plus dans ses poches.

Lors de la campagne électorale, le PLQ s'était engagé à ce que 50 % des surplus aillent à la réduction des impôts, a rappelé M. Legault, brandissant le programme électoral du PLQ en 2014.

- Avec Tommy Chouinard, La Presse