Inutile d'être psychologue ou même de détenir un diplôme universitaire pour déterminer si une personne souffre de dyslexie. C'est ce qu'entend plaider Louise Brazeau Ward, l'une des quatre personnes actuellement poursuivies par l'Ordre des psychologues du Québec, qui leur reproche - dans des dossiers distincts - d'avoir illégalement procédé à l'évaluation de troubles psychologiques.

Depuis septembre 2012, la loi réserve cette activité à certains professionnels (psychologues, médecins, de même que certains infirmiers et conseillers en orientation), pour réduire les risques de diagnostics erronés.

Or, Louise Brazeau Ward n'appartient à aucun ordre professionnel et ne détient pas de diplôme universitaire, étant elle-même dyslexique, tout comme son fils, explique-t-elle. C'est initialement pour aider ce dernier qu'elle s'est documentée sur le sujet et a élaboré une méthode de son cru, offerte depuis dans ses bureaux et dans une école privée d'Ottawa, où les droits de scolarité atteignent 1400 $ par mois.

« L'Ordre se trompe. Je ne fais pas de diagnostics, je ne fais pas de rapports psychologiques ; je dis aux gens s'ils ont les caractéristiques des dyslexiques », argue la résidante de l'Outaouais. Elle estime avoir le droit d'agir ainsi, puisque la loi permet aux professionnels du milieu scolaire d'évaluer les élèves en difficulté d'apprentissage pour établir un plan d'intervention, et que la dyslexie peut à ses yeux être abordée comme un simple « problème académique ».

STATUT DE TÉMOIN-EXPERT

D'après des documents transmis à La Presse en 2009, la Cour supérieure du Québec avait à tout le moins reconnu à Mme Ward « le statut de témoin-expert dans l'administration [de trois] tests de dépistage de la dyslexie ». Elle voulait alors aider un groupe de parents, qui espéraient forcer le ministère de l'Éducation et les commissions scolaires à offrir un dépistage précoce.

Cinq ans plus tard, un psychologue de l'Outaouais a toutefois conclu que Mme Ward nuisait à certains clients. Dans un courriel envoyé à son ordre professionnel, le spécialiste des troubles neuropsychologiques déplore le fait d'avoir dû réévaluer plusieurs d'entre eux. « Madame utilise quelques outils adéquats », mais « ne réalise pas une évaluation complète », y dénonce-t-il. Pire encore, les milieux scolaires refusent souvent de mettre en oeuvre ses recommandations, puisque le diagnostic n'émane pas d'un professionnel reconnu. 

REPAYER POUR UNE AUTRE ÉVALUATION

« Il est très inquiétant que des clients se fassent diagnostiquer avec une dyslexie sans que le rapport soit reconnu, et qu'ils aient aussi par la suite à repayer pour une autre évaluation. »

Dans le même courriel, le psychologue précise avoir « dû annoncer à un client qu'il n'était pas dyslexique, alors qu'il avait été ‟diagnostiqué" par Madame avec une dyslexie et un fonctionnement intellectuel supérieur à la moyenne ».

Pour l'Ordre, le fait de se faire erronément attribuer un trouble, ou encore celui de ne pas voir détecté un trouble réel peut être très préjudiciable. En 2016, il a reçu 56 signalements concernant l'évaluation illégale de troubles mentaux ou neuropsychologiques - un sommet - et 164 signalements concernant l'exercice illégal de la psychothérapie - une baisse comparativement à 2015.

Mme Ward a fermé son bureau québécois en 2014, soit l'année où ses démêlés avec l'organisme ont commencé. Il s'agit toutefois d'une simple coïncidence, assure-t-elle, affirmant qu'elle avait déjà un bureau plus achalandé à Ottawa.