Il y a 30 ans, le Guide alimentaire était enseigné dans les écoles canadiennes. Souvent, il était l'unique source d'information sur la nutrition pour les élèves, qui découvraient les groupes alimentaires et les recommandations les accompagnant.

C'était avant l'internet et les réseaux sociaux, à une époque où la cuisine était une nécessité plus qu'un passe-temps et où les informations sur la nutrition se livraient dans les cabinets de médecins et de nutritionnistes.

Les temps ont changé. Les Canadiens qui veulent être informés sur l'alimentation se tournent davantage vers l'internet que vers leur Guide. Les plus intéressés ont déjà bon nombre de livres sur le sujet dans leur bibliothèque. «Aujourd'hui, le Guide alimentaire est un outil pour ceux qui gèrent l'offre alimentaire, explique le nutritionniste Bernard Lavallée. Il n'est pas fait pour les individus; il est fait pour aiguiller les organismes de santé publique.»

Heureusement, car les nouvelles en alimentation vont vite. Beaucoup plus que le Guide. Les spécialistes de la nutrition croient que le Guide alimentaire doit s'appuyer sur une science crédible, plutôt que sur la dernière étude à la mode qui contredit la précédente. «La science évolue. Les études se contredisent, et c'est tout à fait normal, dit Bernard Lavallée. Les protocoles de recherche peuvent être différents, ou les variables des études.» En fait, dit le nutritionniste, le problème est souvent davantage dans la diffusion et l'interprétation des résultats de ces études. Les médias font parfois des raccourcis et donnent de la crédibilité à une étude qui ne devrait peut-être pas en avoir autant.» «Toutes les études ne sont pas égales, affirme-t-il. Il y a beaucoup de fausses nouvelles basées sur autre chose que la science.»

Ce qui complique les choses, explique la chercheuse Véronique Provencher, c'est que les résultats scientifiques sont souvent pleins de nuances essentielles, mais difficiles à comprendre. «En alimentation, la science côtoie la croyance et la croyance peut toujours se trouver quelques études pour l'appuyer», dit la professeure au département des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval.

Dans un monde idéal, les résultats des études seraient publiés au moment où il y aurait un changement de recommandation pour la population, plutôt que de lancer des conclusions à gauche et à droite, ce qui a comme effet de mélanger tout le monde, estime son collègue Benoît Lamarche, chercheur en nutrition à l'Université Laval. «On met trop de pression sur les chercheurs pour qu'ils divulguent rapidement leurs résultats, dit-il. En nutrition, ça finit par causer du tort.»

Le cas des gras saturés

Le meilleur exemple de l'évolution de la science en alimentation est la situation des gras saturés. Les recommandations officielles conseillent toujours de les éviter, car ils font partie des «mauvais gras». Des études récentes concluent toutefois qu'il n'y aurait peut-être pas de lien entre la consommation de gras saturés et les maladies cardiovasculaires.

«Avec les gras saturés, on s'attaque à un dogme, dit Benoît Lamarche. Pour certains chercheurs, ces nouvelles conclusions sont inconcevables.» Selon Benoît Lamarche, on ne devrait pas changer les recommandations tout de suite, mais creuser davantage ces nouvelles percées scientifiques.

«On ne peut pas changer le Guide alimentaire canadien ou les recommandations dès qu'il y a une percée scientifique, indique Lyne Mongeau, professeure adjointe de clinique au département de médecine sociale et préventive de l'Université de Montréal. Il faut être patient, et ça peut prendre du temps, peut-être 10 ans, mais ça va éviter la cacophonie.»