Le gouvernement du Québec ne va ni directement, ni indirectement limiter l'accès à l'avortement, a tranché, mercredi, le premier ministre Philippe Couillard..

Bien au contraire, le projet de loi 20 vise à accroître l'accès aux services de santé, y compris l'accès à l'interruption de grossesse, a soulevé M. Couillard, en Chambre, désireux de mettre fin à la controverse suscitée par une manchette du quotidien Le Devoir.

«Je voudrais affirmer très clairement qu'il est hors de question de reculer sur ce grand consensus québécois, qui vise à donner aux femmes un accès non seulement gratuit, mais le plus libre possible à l'interruption de grossesse», a déclaré le premier ministre.

«Il s'agit non pas de limiter, mais, au contraire, d'augmenter l'accès aux services, ce qui inclut les services d'interruption de grossesse», a-t-il ajouté.

L'interprétation d'une «ébauche» de règlement entourant le projet de loi 20, consultée par le Centre de santé des femmes de Montréal, laissait croire que le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, avait l'intention de limiter le nombre d'avortements pratiqués par les médecins québécois.

Cette interprétation est erronée, a affirmé le ministre Barrette à l'occasion d'une longue mêlée de presse à l'entrée d'une réunion du caucus libéral.

«Je veux être cité là-dessus: je vais protéger l'état actuel de l'accès à l'avortement au Québec tel qui l'est et pour les prochaines années devant nous», a-t-il martelé.

L'ébauche du règlement évoquait une limite annuelle de 504 avortements par médecin pratiquant en cabinet solo ou dans les Groupes de médecine familiale (GMF), un chiffre qui a depuis été porté à 1008. Des intervenants y ont vu une volonté du ministre d'entraver l'accès à l'avortement.

Or, rien n'est plus faux, a rétorqué M. Barrette, qui a multiplié les interventions médiatiques au cours de la journée pour corriger le tir.

En outre, les cliniques de planning familial, où des médecins consacrent une grande part de leur pratique aux interruptions de grossesse, ne seront pas touchées par le règlement et verront leurs activités protégées.

M. Barrette a aussi brandi des statistiques de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) pour démontrer que l'avortement, sous le projet de loi 20, demeurera tout autant accessible qu'aujourd'hui sinon davantage.

Sur 81 établissements pratiquant des avortements, trois ont affiché un bilan supérieur à 1000 interruptions de grossesse en 2011-2012, a relevé le ministre. Plus d'une soixantaine d'autres ont pratiqué moins de 500 avortements.

«Même avec une limite de 504, une seule personne, un seul médecin est en mesure de faire 100 pour cent des interruptions volontaires de grossesse dans les trois quarts des endroits où il s'en fait au Québec», a soulevé le ministre.

La conclusion est claire, le droit à l'avortement sera protégé et les services resteront accessibles, a statué M. Barrette.

«C'est terrible parce qu'on a ameuté 50 pour cent la population du Québec sur un principe qui n'est pas débattu dans la population québécoise et qui n'est pas en jeu dans le projet de loi. Même la première mouture du projet de loi 20 protège cette activité», a-t-il dit.

De l'avis du ministre, les «intervenants du milieu» à l'origine de cette controverse sont les médecins défendant des intérêts corporatistes.

«Les gens du milieu, ce sont des médecins qui eux et elles ne veulent pas vraiment le projet de loi 20 parce qu'il vient toucher leur pratique. C'est normal, ça fait partie du jeu habituel, a-t-il noté. Il y a des gens qui regardent nos règlements, qui n'aiment pas le projet de loi 20 et qui construisent un drame qui n'existe pas.»

N'empêche, l'opposition péquiste est montée aux barricades à l'Assemblée nationale pour prêter au ministre de la Santé l'intention de miner le droit des femmes à l'avortement.

«La proposition du ministère, elle est grave. Elle attaque le droit des femmes à disposer d'elles-mêmes, un droit qui a été acquis de longue lutte», a lancé le chef intérimaire du Parti québécois, Stéphane Bédard, pendant la période de questions.

«Ce que je demande au premier ministre, c'est de faire un bon pas, de dire qu'il va retirer toute mention de quota ou de maximum pour les médecins, qu'il va revoir le travail du ministre de la Santé pour s'assurer que le droit des femmes ne soit pas attaqué», a-t-il poursuivi.

En 2011-2012, 25 899 avortements ont été pratiqués au Québec.