La Santé publique tente d'identifier tous les propriétaires de yourtes au Québec afin de les mettre en garde contre les risques d'intoxications au monoxyde de carbone dans ces nouveaux refuges à la mode, a appris La Presse.

Depuis quelques années, les yourtes modernes visées par l'avis sont populaires dans les parcs nationaux et provinciaux. La SÉPAQ (Société des établissements de plein air du Québec), qui en loue 35, assure que ses visiteurs ne courent aucun danger.

C'est l'intoxication «sévère» au monoxyde de carbone (CO) de quatre villégiateurs dans le parc de la Gatineau, juste avant Noël, qui a alerté les autorités. Ces individus ont frôlé la mort sans que le détecteur de CO de leur yourte se déclenche, selon la santé publique locale.

Et «il ne s'agissait pas des premiers cas d'intoxication liés à la ventilation dans les yourtes» au Québec, affirme un bulletin du ministère de la Santé envoyé aux professionnels de la santé de la province. Un événement semblable s'est récemment produit dans le Bas-Saint-Laurent, selon le Ministère.

Dans les jours qui ont suivi l'incident du 20 décembre, «j'ai demandé à tous mes collègues [de la santé publique] d'être prudents et de tenter de vérifier les yourtes pour au moins passer l'hiver sans qu'il y ait de morts», a expliqué Louis-Marie Poissant, de l'Agence de santé de l'Outaouais, dont le territoire couvre le parc de la Gatineau, un parc fédéral.

«Depuis la semaine dernière, l'ensemble des directeurs de la santé publique du Québec s'affaire à envoyer des lettres à tous les propriétaires de yourtes», a-t-il ajouté.

Ces tentes circulaires et semi-permanentes sont presque toujours équipées d'un poêle et parfois d'un réfrigérateur au propane. Durant les froides nuits d'hiver, lorsque les cheminées se refroidissent, les gaz de combustion émis par les braises du poêle peuvent être attirés à l'intérieur de la yourte et y demeurer, au lieu de s'échapper. Comme la toile des yourtes modernes est hermétique, le monoxyde de carbone, inodore, peut s'y accumuler et intoxiquer les occupants, qui pourraient ne jamais se réveiller.

La solution: chaque appareil à combustion doit avoir sa propre alimentation en air extérieur, ce qui n'était pas le cas pour toutes les yourtes du parc de la Gatineau. Et une fenêtre devrait rester partiellement ouverte en permanence.

Une première au parc de la Gatineau

Le parc de la Gatineau, où s'est produite l'intoxication de décembre dernier, affirme qu'«en plus de 20 ans, c'est la seule et unique fois» que des utilisateurs s'intoxiquent au monoxyde de carbone.

Dans un courriel, la porte-parole de la Commission de la capitale nationale (CCN), qui gère le parc, a fait état du «froid intense» qui régnait, la nuit du 20 décembre. De plus, «les occupants avaient fermé la toiture conique, qui est une prise d'air frais. La CCN et son équipe d'entretien ont pour pratique de laisser cette ouverture ouverte», a ajouté Jasmine Leduc.

Louis-Marie Poissant, qui a eu accès aux registres du parc de la Gatineau, affirme que les villégiateurs de passage dans les quatre yourtes du lieu appellent les responsables trois ou quatre fois par année pour signaler qu'un détecteur de monoxyde de carbone s'est déclenché.

En décembre, toutefois, le signal n'a pas retenti. L'expert en santé publique soupçonne que les épisodes successifs de chaleur et de froid ont pu perturber l'état des piles.

Deux des quatre villégiateurs ont dû être alimentés en oxygène médical, toujours selon M. Poissant. La police de la MRC des Collines a confirmé à La Presse que l'intoxication dont les villégiateurs avaient été victimes a été considérée comme «sévère» par le médecin qui les a vus.

L'industrie se défend

Le chef de file de l'industrie de la yourte au Québec, Ghislain Rousseau de l'entreprise Biome, a fait valoir que tous les poêles à bois qu'il installe dans ses yourtes sont munis d'une alimentation en air indépendante. La yourte problématique du parc de la Gatineau n'était pas la sienne. Il revendique toutefois l'ensemble des yourtes des parcs de la SÉPAQ.

«Si les équipements sont bien installés, les risques sont diminués de façon importante», a-t-il dit. «Je pense que là c'était le fun [pour la Santé publique] de mettre le doigt sur les yourtes, mais c'est comme tout autre petit endroit habité: les gens doivent faire attention.»

M. Rousseau ne voudrait pas que la Régie du bâtiment se mêle de la construction ou de l'installation de ses yourtes. Cette solution serait «extrême». Hier après-midi, l'organisation n'a pas répondu à La Presse.

La SÉPAQ, pour sa part, a voulu rassurer ses clients. Selon la porte-parole Lucie Boulianne, personne ne s'est jamais intoxiqué au monoxyde de carbone dans les yourtes des parcs provinciaux. «Les gens sont en sécurité», a-

t-elle dit. «On a plusieurs types d'hébergement et chaque type fait l'objet d'un protocole de sécurité.»

La Commission de la capitale nationale (CCN) a mis en vigueur les recommandations de la Santé publique. Les travaux correctifs ont été effectués rapidement, a assuré Mme Leduc.