Des délais qui peuvent atteindre huit mois pour permettre aux anciens combattants d'avoir accès à des soins de santé mentale sont beaucoup trop longs, a constaté le vérificateur général du Canada dans son rapport d'automne rendu public mardi.

Ce constat pourrait relancer le débat entourant la vague de suicides qui a récemment affligé les anciens membres de Forces armées. Environ 16 000 ex-militaires sont admissibles à ces programmes de santé mentale qui visent des troubles comme la dépression et le stress post-traumatique.

Au cours des dernières années, plusieurs ont dénoncé publiquement la lourdeur et la complexité du processus. Le vérificateur Michael Ferguson leur a donné raison mardi : « Notre enquête a [...] indiqué que les vétérans trouvaient le processus de demande complexe et long. Nous sommes d'accord », a-t-il tranché.

« Dans bien des cas, les actions du ministère ne suffisent pas à faciliter l'accès en temps opportun pour les vétérans à des services de prestations de santé mentale qui répondent à leurs besoins. »

«Pas atteint sa cible»

M. Ferguson a noté que le ministère des Anciens Combattants n'atteint pas sa propre cible de fournir à 80 % des demandeurs une décision relative à leur admissibilité dans un délai de 16 semaines (quatre mois). En 2013-2014, le pourcentage était plutôt de 75 %. « Cela signifie que 733 vétérans n'ont pas reçu de décision dans le délai de 16 semaines correspondant à la norme », a-t-il constaté.

De plus, le ministère calcule cette cible de 16 semaines à partir du moment où il juge que la demande est complète. Mais il peut s'écouler un autre 16 semaines avant cette date, à partir de la première prise de contact et de l'ouverture du dossier. « Nous avons constaté que, selon la perspective des vétérans, il fallait environ deux fois plus de temps que ne le prévoit la norme d'Anciens Combattants Canada (32 semaines contre 16 semaines) pour que 80 % des vétérans reçoivent une décision relative à l'admissibilité », a souligné Michael Ferguson.

Un nombre important d'anciens combattants aux prises avec des problèmes de santé mentale peuvent donc attendre huit mois avant d'être autorisés à recevoir des soins.

Le vérificateur a attribué ces délais à la complexité du processus de demande, aux retards dans l'obtention des dossiers médicaux et aux longs temps d'attente aux cliniques. Il a recommandé au ministère d'analyser le processus et de déterminer les obstacles pour les éliminer.

Il a aussi recommandé d'analyser les appels et révisions de ses décisions, puisque 65 % d'entre eux ont été accueillis depuis 2006, ce qui a engendré des délais encore plus longs pour les demandeurs.

« Sur les 843 vétérans aux prises avec un trouble de santé mentale qui ont contesté avec succès une décision [entre 2006 et 2014], 695 ont dû attendre entre 6 mois et 3 ans pour obtenir une décision favorable », a-t-il conclu. Pour 128 autres, ces délais ont été de trois à sept ans.

Le ministère des Anciens Combattants a répondu aux constats et recommandations en disant qu'il « étudie la possibilité de nouveaux modèles décisionnels » pour accélérer le processus. « Anciens Combattants Canada a à coeur de voir à ce que les vétérans reçoivent l'ensemble des prestations et des services auxquels ils ont droit. »

Les partis de l'opposition se sont insurgés devant ces conclusions du vérificateur et ont dénoncé le bilan du gouvernement pour soutenir les anciens combattants. « Il y a trop de vétérans qui n'obtiennent pas le soutien   dont ils ont besoin et ce qui fait peur est que le ministère des Anciens Combattants est peu préoccupé par la piètre qualité de ses services et de savoir si ses programmes font une différence », a lancé le député libéral Frank Valeriote.

Autres sujets de vérification

Le rapport du vérificateur général du Canada contient sept chapitres, incluant des vérifications du programme Nutrition Nord Canada et de la gestion du patrimoine documentaire par Bibliothèque et Archives Canada.

M. Ferguson a relevé certains problèmes avec ce programme Nutrition Nord Canada, de 60 millions de dollars par année et qui vise à rendre des aliments sains plus accessibles et plus abordables pour les collectivités isolées du Nord. Par exemple, les habitants du Nunavut dépensent deux fois plus d'argent pour se nourrir que la moyenne de la population canadienne.

Le vérificateur a noté certaines incohérences concernant les prestations reçues par des communautés comparativement à d'autres, et conclu que la détermination de leur admissibilité n'est pas toujours fondée sur leurs besoins. Il a aussi constaté que le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord, en charge de gérer le programme, n'a pas vérifié si les détaillants transfèrent l'intégralité des contributions aux consommateurs.

Le vérificateur a enfin dressé un constat sévère à l'égard du travail de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) pour assurer la préservation du patrimoine documentaire des institutions fédérales. BAC n'acquiert pas tous les documents d'archives qu'elle devrait acquérir des institutions fédérales, a souligné M. Ferguson, elle a un arriéré de quelque 98 000 boîtes de documents d'archives fédéraux et elle n'a pas de stratégie de gestion numérique du patrimoine documentaire.

« Les conclusions présentées dans ce rapport, en particulier dans nos audits d'Anciens Combattants Canada, du programme Nutrition Nord Canada et de Bibliothèque et Archives Canada, soulignent le fossé qui se creuse quand les ministères ne savent pas vraiment si les services qu'ils fournissent correspondent aux besoins de leurs clientèles », a conclu le vérificateur général.