Soins plus abordables, délais d'attente réduits et établissements de soins plus efficaces: l'Institut Fraser estime que le Canada a beaucoup à apprendre du système de santé japonais, et il publie à ce sujet un document qui est loin de faire l'unanimité chez les experts.

Dans une étude qu'il dévoile aujourd'hui, l'organisme canadien de recherche en politique publique et en éducation, connu pour ses prises de position favorables à l'initiative privée, dépeint le Canada comme un pays où les dépenses en santé s'accumulent, sans toutefois permettre à ce secteur de mieux se porter.

À titre d'exemple, le «think tank» avance que les dépenses en santé du pays étaient de 87% supérieures à celles du Japon en 2009, un chiffre que le président de Médecins québécois pour le régime public, Alain Vadeboncoeur, s'explique mal.

«Le Japon consacre 9,5% de son PIB (produit intérieur brut) à la santé, tandis qu'ici, c'est 11,4%. Ce n'est pas une différence de 86%, ça», illustre-t-il en se basant sur les plus récents chiffres fournis par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2012. «En plus, le financement privé équivaut à 1,9% du PIB au Japon, en opposition à 3,4% au Canada.»

Selon le médecin, le recours à davantage de prestations venant de particuliers ou d'entreprises, comme le suggère l'Institut Fraser, rendrait le Québec encore plus dépendant du secteur privé, l'éloignant d'autant plus du modèle japonais. «Le privé, c'est la partie des dépenses la plus difficile à contrôler. On n'a qu'à penser au prix des médicaments.»

Financement à l'activité

«L'argent doit suivre le patient», suggère également Nadeem Esmail, qui a écrit l'étude pour l'Institut. Selon lui, l'octroi d'enveloppes budgétaires globales «coupe le financement de la réalité des services» et contribue entre autres à allonger les délais d'attente. «C'est une vue très partielle des choses», croit Jean-Pierre Girard, qui a dirigé deux missions canadiennes pour étudier le réseau des coopératives de santé du Japon, en 2007 et en 2010. «On ne mentionne pas la très forte asymétrie d'information entre le patient et le professionnel. Au Japon, le patient n'a même pas à donner son consentement pour un traitement. Le temps de consultation est très court, il n'y a pas d'approche de santé globale, mais plutôt une médicalisation de la santé.»

Pour Alain Vadeboncoeur, le lien causal entre l'efficacité du système de santé et le financement à l'activité - testé en Alberta sans grand succès - est loin d'être prouvé. «Évidemment, si on augmente le financement pour pouvoir construire un bloc opératoire supplémentaire, par exemple, on va avoir plus d'activités», illustre-t-il.

Seul consensus s'il est en un, autant l'Institut Fraser que Jean-Pierre Girard s'entendent pour dire que les formules d'assurances sont nombreuses au Japon, et que personne n'y est laissé pour compte.

Reste qu'il est très difficile de comparer un système de santé à un autre, de l'avis du Dr Vadeboncoeur, qui suggère plutôt d'importer les initiatives à la pièce. «On peut toujours aller chercher des idées ailleurs, comme la présence de sages-femmes dans les hôpitaux ou le système d'accès aux soins de première ligne en France et aux Pays-Bas, mais on ne peut pas importer un système étranger au complet , affirme-t-il. Notre structure sociale n'a rien à voir avec celle du Japon.»