Le couperet tombe au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), qui était en voie d'enregistrer un déficit monstre. La direction de l'hôpital vient de demander à ses services de faire un effort pour retrancher 50 millions dans leurs dépenses, dont plus de la moitié dans le secteur des soins cliniques. Elle songe également à la possibilité de geler l'embauche pour six mois.

Le CUSM refuse de parler de compressions et qualifie plutôt l'exercice de «mesures d'optimisation». La direction assure qu'elle a demandé à ses cadres de ne pas réduire les soins aux patients, mais les syndicats des employés de l'hôpital doutent que ce soit possible.

Ce «plan d'optimisation» est exigé en réaction au dépôt du rapport Baron, un exercice de vérification qui a révélé que l'établissement pourrait se retrouver avec un déficit de 115 millions en 2012-2013 - du jamais vu dans l'histoire du Québec. Ce dérapage aurait notamment été occasionné par une augmentation injustifiable des heures rémunérées par rapport à la quantité de soins prodigués.

Au cours des prochains jours, les dirigeants de toutes les unités recevront la cible précise pour les économies demandées.

D'ici là, le porte-parole Richard Fahey se borne à indiquer que l'hôpital suivra de près les recommandations d'une analyse de la performance du CUSM réalisée en 2010 par la firme Raymond Chabot Grant Thornton. Le rapport cible plusieurs secteurs où le CUSM serait «moins performant» que d'autres hôpitaux ayant des clientèles et des missions comparables, comme le CHUM.

Secteurs ciblés

Le CUSM pense être en mesure d'épargner 40 millions annuellement en s'inspirant largement des mesures qui y sont proposées, sans toutefois les appliquer à la lettre.

Cette analyse évalue, par exemple, que le nombre de visites aux cliniques externes du CUSM est beaucoup plus élevé qu'au CHUM. En 2009-2010, le CUSM en recensait 504 665. Selon le rapport, avec 111 471 visites de moins (ce qui représente l'écart entre les visites du CUSM et celles du CHUM), il serait possible de réaliser des économies de 3,2 millions.

Autre exemple: les patients du CUSM passeraient en moyenne 20 minutes de plus en salles d'opération que ceux du CHUM. En réduisant le temps au bloc opératoire de 20 minutes, la masse salariale du CUSM diminuerait de 1,5 million.

Le rapport conclut aussi que des patients sont hospitalisés un peu plus longtemps au CUSM à la suite d'une chirurgie ou d'un problème de santé important. Une diminution des durées moyennes de séjour des patients permettrait de réaliser des économies de 3,9 à 5,9 millions.

Le rapport cible trois autres secteurs ayant un grand «potentiel» de réduction des dépenses: les urgences, les effectifs en soins infirmiers et la direction générale.

Depuis décembre, la direction a par ailleurs ciblé d'autres postes de dépense où elle pourra récupérer une somme supplémentaire de 10 millions.

Le CUSM songe également à cesser les affichages de postes pour une période de six mois et à ne plus remplacer les employés qui quittent l'hôpital durant cette période.

»Utopique»

Vendredi, la directrice des ressources humaines du CUSM a rencontré les dirigeants de trois syndicats des employés afin de leur annoncer l'effort de 50 millions.

«Il est utopique de penser qu'ils vont couper 50 millions sans qu'il n'y ait d'impact pour la clientèle», estime Daniel Dubé, de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux. Il ajoute qu'il y a déjà une pénurie de personnel chez les ergothérapeutes et les physiothérapeutes ainsi qu'en réadaptation. Il craint également que si le CUSM va de l'avant avec le moratoire sur l'embauche, le personnel en place sera débordé.

Le rapport Baron fait état de 888 000 heures rémunérées inexplicables depuis 2009.

«C'est inquiétant parce que lorsqu'on lit le rapport Baron, c'est comme si on était payés à ne rien faire, alors que je peux vous assurer qu'il n'y a personne qui tourne en rond», a expliqué Line Larocque, présidente du syndicat des infirmières. «Lorsqu'un patient est transféré d'un autre centre hospitalier ou qu'il téléphone à la dernière minute pour être vu rapidement, il y avait un effort pour l'ajouter sur nos listes. Ce que je comprends, c'est qu'à partir de maintenant, on ne pourra plus dépasser les normes. Mais le patient, lui, il doit être traité, donc il va retentir ailleurs.»

Le budget du CUSM

300 millions

Déficit cumulé du CUSM

1 018 574 000$

Budget total du CUSM en 2011-2012