Un grave problème de moisissures qui a incommodé élèves et employés d'une école primaire de Pierrefonds durant des années avant qu'on en découvre la cause soulève de sérieux doutes sur l'efficacité des tests de qualité de l'air menés dans les établissements scolaires. En pleine rentrée, des ouvriers mettent la dernière touche à des travaux de décontamination majeurs à l'école Harfang-des-Neiges, plus de 10 ans après l'apparition des premiers symptômes. Jamais les prélèvements d'air n'ont révélé un quelconque danger pour la santé.

«Ils ne sont pas fiables», tranche Mme Anne O'Donnell, hygiéniste industrielle et propriétaire de l'entreprise de décontamination HSST Conseils. «On peut les utiliser à titre indicatif, mais ils ne sont pas suffisants, dit-elle. Ce n'est pas parce qu'ils ne montrent rien que la santé des gens n'est pas affectée. Les résultats peuvent varier rapidement selon la température ou l'humidité, alors il faut aller plus loin.»

L'expert Yves Frenette, de la direction de santé publique convient aussi que de nombreux facteurs peuvent entraîner ce qu'il appelle des «faux négatifs» à la suite de prélèvements d'air, une technique à laquelle se limitent bon nombre d'écoles.

Dans le cas de Harfang-des-Neiges, il aura fallu des dizaines de plaintes, un jugement de la Commission des relations du travail et l'intervention d'un chien renifleur pour que la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys découvre l'ampleur de la contamination.

Plaques rouges, fatigue et essoufflement

Pourtant, les problèmes de moisissures remontent à loin dans cet établissement. Dès 2001, un enfant s'est plaint de «problèmes» dès qu'il descendait au sous-sol, où se trouvait alors le service de garde. Une bibliotechnicienne qui travaillait au même niveau était affligée de plaques rouges sur la peau.

Puis, en 2007, une éducatrice spécialisée dont le local était aussi situé au sous-sol s'est plainte d'essoufflement et de fatigue, et a affirmé devoir utiliser sa pompe antiasthmatique de plus en plus fréquemment. L'odeur dans son bureau était pénible, disait-elle; il y avait des taches brunes sur le plancher et certaines armoires étaient gondolées. Un test de qualité de l'air s'était toutefois révélé non concluant, mais l'employée restait persuadée que son asthme s'était aggravé depuis qu'elle travaillait à Pierrefonds.

Des employés qui ont occupé le local dans les années suivantes ont affirmé eux aussi que l'air y était chaud, humide et sentait le moisi. À l'école, vu le résultat du prélèvement, on n'a pas cru l'éducatrice. Elle s'est donc adressée à la Commission des relations du travail (CRT), qui lui a donné raison en mai 2011. «De très bas niveaux d'exposition peuvent être suffisants pour déclencher des symptômes», a dit le jugement. Cela, ajoute-t-on, même quand les tests démontrent des concentrations de moisissures si basses qu'elles ne paraissent pas inquiétantes.

À l'été 2011, des travaux ont été exécutés au sous-sol de l'école à cause d'un problème d'infiltration d'eau. Des moisissures ont été découvertes dans un mur, qui a été démoli et remplacé. La commission scolaire a commandé un autre test d'air en septembre, toujours négatif, et on n'a pas poussé l'enquête plus loin. À partir du mois de novembre, les plaintes se sont multipliées. Une enseignante raconte avoir souffert de sinusites, de migraines et de congestion récurrente. Des collègues auraient eu des saignements de nez, alors qu'enseignants et élèves souffraient d'écoulements nasaux et de maux de tête. «Les enfants et les enseignants étaient malades. C'était devenu sérieux», affirme le président du Syndicat de l'enseignement de l'ouest de Montréal, Luc Jacob.

La présence d'un chien renifleur

Devant cette accumulation, la commission scolaire a commandé un autre test. Cette fois, le résultat, toujours négatif, n'a pas satisfait les responsables. «On avait compris avec le jugement de la CRT que lorsque les gens ont des symptômes, ce n'est pas parce qu'un test ne montre rien qu'il n'y a pas de moisissures», dit le porte-parole de la commission scolaire, Jean-Michel Nahas.

Pour en avoir le coeur net, l'école a décidé d'avoir recours à un chien renifleur, une démarche pour laquelle il a fallu payer très cher et attendre plusieurs mois. En juin, l'animal a trouvé des moisissures dans une dizaine de salles de classe, qui ont toutes été démolies, décontaminées et reconstruites. Un local est toujours condamné. «On cherche encore la source de l'infiltration d'eau», dit M. Nahas, qui assure que tout est sécuritaire pour les élèves qui rentrent aujourd'hui.