L'idée qu'un parent puisse se droguer ou se soûler régulièrement ne fait pas l'unanimité au Québec. Certains exigent toujours l'abstinence totale ou presque, comme le font les Américains.

«Les mères qu'on reçoit à Portage doivent apprendre à affronter les épreuves de la vie à jeun. Pour elles, c'est très difficile de consommer sans replonger totalement. C'est une clientèle lourde», expose Caroline Gélinas, qui dirige le programme mère-enfant. Les mères y vivent ensemble, avec leurs tout-petits, jusqu'à ce qu'elles aient achevé une thérapie de plusieurs mois. Certaines habitent par la suite dans des appartements supervisés, le temps de terminer leurs études ou de réapprivoiser le marché du travail.

Fières de leur réussite, elles tiennent toutes le même discours: jamais elles n'auraient pu s'en sortir sans tourner totalement le dos au passé.

À la Chambre de la jeunesse, quelques juges sont encore de cette école, constate la directrice du centre jeunesse Batshaw, Madeleine Bérard. Elle l'observe notamment dans le cadre du projet-pilote Toxi-Cour, qui permet aux parents d'avoir rapidement accès à des services afin de garder (ou retrouver) leur enfant. En contrepartie, ils doivent venir témoigner de leurs progrès plusieurs fois par année devant le tribunal. Certains juges imposent alors des analyses d'urine aux parents, et c'est souvent pour s'assurer que la drogue et l'alcool ne font plus du tout partie de leur vie.

Dans les centres de réadaptation, c'est plutôt l'approche - pragmatique - de la réduction des méfaits qui l'emporte. Son fondement: le fait que les drogues finissent par altérer le fonctionnement du corps et du cerveau à un point tel que l'abstinence se révèle souvent illusoire et décourageante. Dans ces circonstances, apprendre comment gérer sa consommation, pour en atténuer les répercussions négatives, apparaît comme un moindre mal.

Jusqu'à la création des programmes de soutien, les parents d'enfants signalés à la DPJ ne pouvaient compter sur ce genre d'aménagement. Ils ne le peuvent toujours pas en région, où les nouveaux programmes n'ont pas encore été étendus. «La DPJ doit d'abord penser au bien des enfants. Elle a vu des drames. C'est compréhensible», affirme Myriam Laventure, du département de psychoéducation de l'Université de Sherbrooke.

Aujourd'hui, on exige par ailleurs que les parents toxicomanes se prennent en main dans un délai raisonnable. Lorsque le destin d'un tout-petit est en jeu et que ses parents participent au programme Jessie, on leur donne un an. En 2006, la Loi sur la protection de la jeunesse a en effet été modifiée pour qu'on établisse un projet de vie stable pour les enfants, trop souvent ballottés de foyer en foyer au gré des rechutes et thérapies de leurs parents.