Santé Canada met trop de temps à agir lorsqu'un médicament déjà sur le marché pose un danger à la santé des Canadiens, a relevé le vérificateur général par intérim du Canada dans son rapport déposé mardi.

John Wiersema y voit un problème «sérieux», qui serait causé par un manque de ressources au sein du ministère.

Et un problème qui ne fera qu'empirer, alors que tous les ministères fédéraux sont soumis à un régime minceur par le gouvernement qui exige qu'ils réduisent leurs dépenses, a immédiatement averti le Nouveau Parti démocratique (NPD).

Cela ne serait qu'un des exemples des risques posés par une mauvaise gestion de l'information qui mine le travail de plusieurs ministères, a offert John Wiersema en guise de critique générale du gouvernement conservateur.

Il a aussi noté dans son rapport que Santé Canada ne dévoile pas suffisamment d'information sur les essais cliniques en cours, ce qui  fait en sorte que des Canadiens pourraient participer - sans le savoir - à des tests de médicaments non autorisés par le ministère.

Bien que l'approbation initiale des médicaments est faite avec beaucoup de rigueur, et que Santé Canada évalue activement l'innocuité des médicaments déjà sur le marché, le ministère tarde à réagir lorsqu'il découvre un danger potentiel posé par un médicament, écrit M. Wiersema.

Il lui faut parfois plus de deux ans pour informer la population d'un problème, note-t-il.

«Deux ans, c'est très long», a-t-il commenté lors du point de presse après le dépôt de son rapport au Parlement. «Cela ne devrait pas prendre autant de temps.»

Par exemple, en août 2009, Santé Canada a évalué un médicament approuvé pour soulager les migraines. Il a recommandé que l'étiquette du produit de marque soit mise à jour pour avertir de risques - nouvellement découverts - qui pourraient causer des anomalies congénitales chez les enfants des femmes qui prennent ce médicament. L'étiquette a été modifiée mais les fonctionnaires responsables de s'assurer que les médicaments génériques effectuent les mêmes modifications n'ont été avisés qu'en février 2011.

Dans un autre cas souligné par le vérificateur, les États-Unis avaient lancé un avertissement dès 2006 que l'efficacité d'un médicament pouvait significativement être réduite par l'usage d'ibuprofène, un analgésique fort commun. Mais au Canada, la révision du médicament a pris plus de trois ans et les étiquettes des produits concernés n'ont pas encore toutes été modifiées à ce jour.

Avec des ressources supplémentaires, Santé Canada devrait être en mesure de régler cette faille, a signalé le vérificateur par intérim.

Mais le gouvernement exige de ses ministères des compressions de coûts de cinq à dix pour cent, a noté le NPD. «Ça ne va pas aller plus vite», a déploré le député néo-démocrate Alexandre Boulerice, qui précise qu'il s'agit là d'une de ses «préoccupations majeures» relativement aux problèmes soulevés dans le rapport du vérificateur.

Quant aux essais cliniques, M. Wiersema a relevé que Santé Canada a été avisé de préoccupations sur la sécurité d'un médicament par des parents qui s'inquiétaient pour leur enfant. Or, bien que le médecin recrutait au Canada pour l'essai clinique, ce médicament n'avait jamais été approuvé par les autorités canadiennes - même si le médecin avait prétendu le contraire.

Une telle situation aurait pu être évitée, estime M. Wiersema.

«Si les Canadiens pouvaient consulter en ligne la liste des essais cliniques autorisés par le ministère, ils auraient accès à de l'information officielle et pourraient vérifier les allégations avancées par d'autres parties et prendre des décisions pleinement éclairées», a-t-il souligné.

Par ailleurs, l'absence d'un tel site «augmente le risque que les Canadiens ne soient pas informés de l'existence de nouveaux traitements», est-il également écrit dans le rapport.

De plus, le ministère n'a pas intégré dans sa base de données les avertissements en provenance d'autres pays sur les effets indésirables des médicaments déjà sur les tablettes.

Pourtant, cette information pourrait contribuer à cerner des problèmes sur l'innocuité des médicaments, souligne le rapport. Compte tenu de la petite taille de la population canadienne, il est plus difficile d'avoir suffisamment de cas pour détecter les effets graves et indésirables des médicaments, mais les avis provenant de l'étranger pourraient pallier ce problème.

Le NPD a aussi déploré les déficiences des mécanismes en place pour forcer la divulgation des conflits d'intérêts des évaluateurs de médicaments, tel que relevé par le vérificateur, surtout dans une industrie qui génère des millions de dollars et qui se targue d'avoir l'un des lobbies les plus puissants, a souligné M. Boulerice. Le vérificateur n'a toutefois pas découvert de tels conflits en effectuant son enquête.

Santé Canada a accepté toutes les recommandations du vérificateur général au chapitre de la santé.

«Le travail est déjà commencé pour mettre en oeuvre les recommandations», a indiqué mardi en Chambre la ministre de la Santé, Leona Aglukkaq.

«Nous mettons en place des mécanismes pour nous assurer que les produits sur le marché sont sécuritaires, efficaces et fiables pour tous les Canadiens», a-t-elle ajouté.

L'industrie pharmaceutique est imposante au Canada. En 2008, 13 000 médicaments - sous prescription ou non - ont été vendus au pays pour environ 28 milliards $. En 2010, les médecins ont émis 505 millions de prescriptions.